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14 juin 2013 5 14 /06 /juin /2013 07:57

Buttes Chaumont glaces

 

L’éducation des enfants de Cheminots, dans cette Cité que Marcel Picot et Robert Malaquin nous décrivaient sous un angle panoramique, passait certes par l’impressionnant complexe scolaire décrit sous la plume de Jacques Legrand, Robert Lienard et Guy Merat, mais pas seulement.

Ce témoignage de Michel Deveaux, Daniel Pecqueux et Roland Hackspille porte dans sa forme les traces d’une éducation à la beauté dont le sujet atteste d’une réalité quotidienne de fond. Bienvenu dans le parc des Buttes Chaumont 

« Aujourd’hui, par une belle journée, il me semble que je suis transporté dans le parc des Buttes Chaumont d’il y a cinq ou six ans.

Par les belles journées d’été, ce beau paysage que je vais vous décrire est animé de nombreux citadins. Au dessus d’eux, dans le ciel d’azur, pas un nuage ne plane.

Ce grand coin de terre est bordé d’un chemin. Il est parsemé de pelouses verdoyantes que garnissent de belles petites pâquerettes. Les pelouses sont séparées par des chemins ; d’un grand carré de marronniers au feuillage épais et quelques sapins.

Vers le milieu, des buissons touffus abritent des bandes d’oiseaux. Plus haut sur une butte se trouve une cuve à eau qui alimente une partie de la Cité. En bas de cette butte, il y a une source qui donne naissance à un ruisseau qui forme des méandres tout le long de son cours. Il passe sous un petit pont de ciment que deux saules pleureurs ombragent. Les parapets de ce pont ressemblent à des troncs d’arbres que l’on a sciés. Le ruisseau continue sa route, s’élargit, se rétrécit, passe sous terre, ressort quelques mètres plus loin en cascade et il se jette dans un lac cimenté où un énorme saule pleureur laisse tremper ses branches dans une eau claire.

Au cœur des Buttes Chaumont, sur une petite butte, un kiosque se dresse ; ce kiosque est entouré d’arbres.  L’été, un marchand de glaces passe. Sur les pelouses, les femmes tricotent ; des hommes jouent aux cartes. Dans les buissons, de nombreux enfants jouent à cache-cache et sur les branches, les oiseaux gazouillent.

S’il y avait eu dans les Buttes Chaumont des animaux de toutes les espèces, elles auraient ressemblé à un jardin zoologique, que d’innombrables personnes seraient venues visiter. »

 

Troublant, ce témoignage l’est assurément par sa précision et son style; rappelons en effet qu'il fut écrit durant l'année scolaire 1945-1946 par des enfants âgés d'une douzaine d'années! Mais il l’est aussi par la sensation de sérénité qui s’en dégage ; une sérénité que ne dégageait pas le seul parc des Buttes Chaumont au demeurant, ce que nous pourrons vérifier dans notre prochain billet à travers l’évocation des équipements médicaux-sociaux.

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28 mai 2013 2 28 /05 /mai /2013 14:05

J.d-Arc-1936-37.jpg

Année scolaire 1936-1937: l'école Jeanne d'Arc et ses grandes baies vitrées... 

 

 

Dans le sillage de Marcel Picot et Robert Malaquin qui, durant l’année scolaire 1945-1946 couchaient sur le papier leurs souvenirs panoramiques d’enfance dans la Cité, Jacques Legrand, Robert Lienard et Guy Merat  se concentrent plus précisément, eux, sur leurs souvenirs de l’imposant complexe scolaire…

 

« Je revoie encore les jolies écoles de la Cité avec leurs grandes baies claires, le grand clocheton, la cour et son bassin ombragé d’un saule pleureur. Elles étaient situées entre le dispensaire, la coopérative, la bibliothèque et a pharmacie.

L’école maternelle était placée derrière le dispensaire et elle faisait face aux grandes écoles.

Son préau était vitré sur le devant. De grandes baies l’éclairaient. Il était situé au milieu des deux bâtiments qui servaient de classes l’un aux plus grands, l’autre aux plus petits.

La cour était vaste.

En contournant l’école par un chemin, on arrivait devant la Nouvelle Etoile ou le dispensaire. Ainsi, on avait en vue les jardins potagers et fruitiers cultivés par les élèves de l’école des garçons.

Là il y avait un clos, le sol y était recouvert de gazon.

Il y avait aussi sur le côté du bâtiment des plus grands une pelouse qui donnait sur la coopérative ; elle était limitée par des arbres. L’été, les petits s’abritaient à l’ombre de ces arbres verdoyants.

Chaque bâtiment était également éclairé par de grandes baies qui donnaient vers l’école Veltin, c’est-à-dire vers le sud.

Les grandes écoles étaient composées de neuf classes de chaque côté ; du côté des garçons, il y avait l’école Veltin, cours du C.E.P. et apprenti, avec son clocheton, l’école Pasteur, cours moyens 1ere année et 2e année.

Du côté des filles, l’école Veltin, cours du C.E.P. et l’école Jeanne d’Arc, cours moyens 1ere et 2e année.

Les écoles des garçons étaient séparées des écoles des filles par un treillage.

Je revoie la grande et belle école Pasteur  avec son préau recouvrant les lavabos et de nombreux porte-manteaux.

En suivant un chemin qui partait du palier de l’école Veltin, on arrivait encore à d’autres classes situées devant le matériel roulant.

Toutes les classes réunies, on comptait près de huit cents enfants. »

 

03

Petit aperçu des lieux, ici photographiés avant la construction de l'école Veltin en 1926. 

 

 

Voilà résumé en moins d’une trentaine de lignes l’univers scolaire de prés de huit cents enfants ; autant que l’actuelle population du collège de Tergnier.

Rapports à l’espace, à l’environnement, entre petits et grands, entre garçons et filles… Tout y est, y compris le rapport à la beauté sur lequel nous nous concentrerons plus particulièrement dans notre prochain billet à travers le témoignage de Michel Deveaux, Daniel Pecqueux et Roland Hackspille sur leurs belles années dans le parc des Buttes Chaumont.

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19 mai 2013 7 19 /05 /mai /2013 08:01

A travers les témoignages de Jacques Legrand et de Maurice Jacquot, nous avons pu rétrospectivement percevoir toute l’horreur dans laquelle les bombes alliées précipitèrent une population durant la terrible nuit du lundi de Pâques 1944. Mais les témoignages recueillis durant l’année scolaire 1945-1946 par l’instituteur M. Denant  portent également la trace indélébile de merveilleux souvenirs d’une enfance insouciante.

Tel un martyr, le rêve de Raoul Dautry semble y être figé pour l’éternité dans une perception du bonheur contre laquelle ni les bombes, ni le temps, ne peuvent rien.

Sous la plume de Marcel Picot et Robert Malaquin, plongeons-nous dans les souvenirs d’enfance d’une génération d’écoliers qui en fera son idéal de vie…

 

 

« Savez-vous ce qu’était la Cité avant les bombardements ?  Elle était bâtie sur trois territoires : Vouel, Tergnier et Quessy. C’était la plus importante et la plus belle Cité de la région du Nord. Elle comprenait au moins …habitants  (NDR : les auteurs du texte n’étaient manifestement pas en possession des données démographiques mais la population de la Cité fut au plus fort de son rayonnement de l’ordre de 4000 habitants) et 900 logements.

Le nombre des écoliers s’élevait à plus de 800 enfants. Tous étaient fils ou filles de Cheminots.

 

 

2

 

La Cité avait une grande importance ferroviaire. Elle la devait surtout au dépôt, au Matériel Roulant et au triage.

Le dépôt se trouvait sur les grandes lignes qui vont sur le Nord.

Avec toutes ses machines, il parcourait plus de 100 000 km par semaine. Il occupait plus de 350 ouvriers.

Le triage, avec toutes ses voies, occupait plus de 400 m de largeur.

Le Matériel Roulant, lui, comprenait plus de 1100 ouvriers. Là se réparaient les wagons avariés.

 

Champs Elysées (Avenue) 1

 

L’aspect de notre Cité lui vaut aussi une grande renommée.

Au milieu descendaient les Champs Elysées qui se continuaient sous le nom d’Avenue des Alliés.

Chaque trottoir est bordé de deux rangées de tilleuls et d’une rangée de troènes.

Elle traversait trois places : la place du 113eme, place de France et place de l’Etoile.

Sur la place de France se trouvait le cinéma, l’école ménagère, les bains douches, le pharmacien, la bibliothèque, la maison du docteur et la poste.

Derrière le cinéma se plaçait le stade Charles Secret et à côté s’offrait la piscine.

Derrière le pharmacien, on voyait l’école Pasteur, l’école Veltin et l’école Jeanne d’Arc. Plus loin encore se trouvait la coopérative. J’étais fier d’être fils de Cheminot et de vivre dans cette belle cité. »

 

A travers d’autres témoignages collectés par M. Denant, nous plongerons plus profondément dans nos prochains billets dans l’univers scolaire des enfants de la Cité et dans le cadre bucolique du parc des Buttes Chaumont. Nous visiterons également le dispensaire, nous prendrons la température de la piscine et nous passerons un dimanche au stade.

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18 avril 2013 4 18 /04 /avril /2013 12:10

Marc-Fer.jpg

De gauche à droite sur cette photo: Armand Henet, Daniel Druart et Marc Fer qui nous adresse aujourd'hui son témoignage depuis le Bordelais. Les trois gamins posent pour la postérité avec des cerises. "Je crois me souvenir qu'un voisin nous en avait offert" se souvient Daniel Druart qui se plaît à souligner que " pour inciter les voisins à échanger leurs productions, Raoul Dautry avait pris soins de ne pas garnir les jardins des mêmes arbres fruitiers."

 

 

 

Les témoignages successifs de  Jacques Legrand et  Maurice Jacquot ont suscité une vive émotion chez l'un de nos lecteurs du Bordelais. Marc Fer ne doit d'avoir échappé avec sa famille au terrible bombardement du lundi de Pâques 1944 qu'au malaise dont fut victime un curé. Explications...

 

« Mes parents, ma soeur et moi étions réfugiés à Frières. Papa descendait de nuit et avait prévu que nous irions dormir à Quessy Cité le samedi soir chez nous au 26, rue de l'Arc en ciel, pour pouvoir cultiver son bout de jardin le dimanche, le lundi, et rentrer le mardi matin à Frières.

Ma mère et ma soeur devaient assister à la messe de mariage de je ne sais plus qui exactement, à Villequier-Aumont, le samedi matin à 11 heures mais le curé qui devait célébrer le mariage eut un malaise et ne fut remplacé qu'à 15 heures.

Ma mère et ma soeur sont rentrées très tard à Frières, ce qui a contrarié et mis en colère mon père. Il a décidé de ne pas aller à la Cité pour le week end.

Une bombe est tombée devant la porte de la cave de notre maison mais nous n'y étions pas...

Voilà, c'est ainsi.

Je ne peux oublier – et nous étions à Frières ! - les éclairs dans la nuit et le bruit sourd des explosions.

Je n'oublierai pas la famille Venet que nous connaissions bien. Que tous ceux qui sont morts cette nuit là reposent en paix.

Merci infiniment pour le travail que vous réalisez avec Daniel. »

 

Bouleversant témoignage doublé d'un hommage qui, pour deux bonnes raisons au moins, n'en restera pas là. A Tergnier s'élèvent en effet depuis quelques jours des voix en faveur d'une association du souvenir de ces victimes collatérales des préparatifs du débarquement de Normandie aux cérémonies commémoratives de la victoire du 8 mai 1945.

L'autre bonne raison tient au fait que la destruction de la Cité par les bombes a rasé l'immobilier; pas la culture.

Marc Fer lui-même en témoigne au détour d'une question relative aux liens qu'il entretient avec la cité de son enfance: installé dans le Bordelais depuis 1961 après un séjour d'un an à Paris lors de son retour d'Algérie, il ne s'y est jamais senti pleinement «  chez lui. »

« Chez lui », c'est en l'occurrence cette Cité que des écoliers décrivaient durant l'année 1945-1946 dans ce fameux cahier qui vient d'être confié à Daniel Druart.

Ils s'appellent Marcel Picot, Robert Malaquin, Jacques Legrand, Robert Liénard, Guy Morat, Michel Deveaux, Daniel Pecqueux ou encore Roland Hackspille et ce qu'ils disent de la Cité modèle de Raoul Dautry est la trace palpable – nous le verrons dans nos prochains billets – de leur profonde imprégnation du bonheur dont ils se feront les gardiens et les passeurs par delà les bouleversements sociaux à venir.

 

Images d'un carnage

 

Cite bombardeeAu lendemain du bombardement, la Cité n'est plus que ruines. 

 

 

Ferme bombardeeAux portes de la Cité, la ferme des grands-parents de Daniel Druart offre le douloureux spectacle de la mort et de la désolation.

 

 

Cinema bombardeeSur l'ancienne place de France devenue place Raoul Dautry, le cinéma est éventré.

 

 

Piscine bombardeeDe la magnifique piscine ne subsiste que le souvenir.

 

 

Rue de Paris bombardeeRue de Paris, un petit coin de paradis plongé en enfer (photo prêtée par René Giulliani.)

 

 

Cimetière bombardeA la jonction de la Cité et de Tergnier, les bombes n'ont pas épargné le cimetière qui jouxte les ateliers du matériel roulant.

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10 avril 2013 3 10 /04 /avril /2013 07:20

90-ans-3-copie-1.jpg

Au coeur d'un paysage de désolation se dresse encore dans le sillage des bombardiers le clocher de l'école Veltin. 

 

 

On l'aura compris à travers les témoignages de  Jacques Legrand et de  Maurice Jacquot, un véritable déluge de feu s'abattit durant la nuit du 10 au 11 avril 1944 sur la Cité modèle de Raoul Dautry.

Les archives d'époque font état de 49 minutes de bombardement, de 700 avions et de 49 victimes dans la population.

Ce dernier chiffre néanmoins, est erroné. La seule consultation des archives de l'état civil des communes aujourd'hui associées de Tergnier, Vouel et Quessy – les trois communes sur lesquelles s'étend la Cité – en atteste puisque l'on y relève 32 décès à Vouel, 22 à Tergnier et 39 à Quessy.

Encore ces chiffres-là ne sont-ils pas complets non plus puisque Maurice Jacquot le confirme : il a perdu l'un de ses frères, sa sœur, et sa mère or le registre d'état civil de Quessy ne mentionne que les décès de Christiane et Michel Jacquot. Explication : la mère de Maurice Jacquot a succombé à ses blessures le lendemain, 11 avril, et à Chauny, où elle avait été hospitalisée.

D'autre part, on imagine aisément l'émoi et la confusion dans lesquels ces événements précipitèrent l'agglomération, aussi ne s'étonnera t-on qu'à moitié devant l'imbrication de la Cité dans trois territoires communaux différents, de retrouver certains noms simultanément sur les registres de Vouel et de Queesy : ceux des familles Cochet et Charpentier en particulier mais aussi ceux de Louise Briatte, Charles Lobbé et Clémence Vitté. Dix noms consignés à la fois sur les registres vouellois et quessyssois au total.

Dans ces conditions, on peut avancer sans craindre de se tromper le nombre de 83 victimes au moins (93 - 10), auxquelles s'ajoutèrent par la suite les victimes de leurs blessures et, une semaine plus tard, celles du bombardement du 18 avril.

Le bombardement du 10 avril ayant échoué à détruire les installations ferroviaires, une nouvelle vague aérienne déferla en effet sur le site ternois une semaine après le terrible lundi de Pâques. Là encore, on annonce 6000 bombes larguées, durant 32 minutes par 600 avions. Et là encore, il y a des victimes dans la population : 15 sur le territoire de Tergnier ; 4 sur celui de Vouel ; aucune semble t-il sur celui de Quessy que les habitants avaient massivement fui durant les jours précédents. Jacques Legrand s'était réfugié avec sa famille à Ugny-le-Gay ; Daniel Druart trouva asile, lui, à Fressancourt.

Durant cette terrifiante nuit du lundi de Pâques 1944, les bombes alliées ne détruisirent pas seulement une Cité modèle ; elles disloquèrent un tissu social qui jamais, ne retrouva son «  jardin d’Éden », mais jamais non plus, ne l'oublia, ce dont attestent d'autres témoignages d'enfants à venir dans nos prochains billets. Un peu comme si le temps s'était arrêté à l'heure encore indiquée aujourd'hui par le clocher de l'école Veltin, là où la ville dévoila une plaque commémorative le 2 juillet 2011 à l'occasion du 90e anniversaire de l'inauguration de la Cité par Raoul Dautry.

Sur cette plaque, il est sobrement inscrit : « L'horloge de ce clocher marque encore aujourd'hui l'heure du dramatique bombardement de la nuit du 10 au 11 avril 1944 qui a détruit aux trois quarts cette merveilleuse Cité des Cheminots. Hommage aux victimes. »

C'était il y a tout juste soixante-neuf ans aujourd'hui.

 

90-ans.jpg

 2 juillet 2011: à l'occasion du 90e anniversaire de l'inauguration de la Cité, un e plaque commémorative d'hommage aux victimes du bombardement est apposée au mur de façade de l'école Veltin.

 

 

Victimes quessyssoises (*)

Fernand Beausir. Jacques Beausir. Charles Bouré. Berthe Bonsselini. Louise Briatte. Léontine Catier. Arlette Charpentier. Gaston Charpentier. Guy Charpentier. Nicole Charpentier. Gaston Cochet. Huguette Cochet. Pierre Cochet. Marie-Thérèse Convers. Gilberte Coquart. Simone Delasauvagère. Fernand Delmaire. Albert De Pauw. Adrienne Deshayes. Arlette Douvez. Henri Douvez. Jacques Gautrelet. Christian Godard. Simon Gossain. Germain Herbin. Marcel Hervet. Christiane Jacquot. Michel Jacquot. Jean Lahaye. Jules Lefevre. Raymonde Lemaire. Charles Lobbé. Fernand Machepy. Jeanne Parent. Raymond Payot. François Sauvage. Jules Sauvage. Clémence Vitté. Jeanne Wannuffelen.

 

Victimes ternoises (*)

Berthe Bize. Marcelle Charles. Georges Cocset. Gérard Cocset. Jacques Cocset. Jeanne Cocset. Victor Cocset. Claude Didelet. Odette Fieulaine. Charles Gazan. André Gournay. Julie Justin. Arthur Lebrun. Germaine Lebrun. Louise Ledez. Pierre Ledez. Charles Venet. Christiane Venet. Jacques Venet. Jean Venet. Marie-Thérèse Venet. Charles Vincent.

 

Victimes vouelloises (*)

Louise Briatte. Lucien Caplet. René Caplet. Jeanne Cazenave. Arlette Charpentier. Gaston Charpentier. Guy Charpentier. Nicole Charpentier. Gaston Cochet. Huguette Cochet. Pierre Cochet. Firmin Coupez. François Degrattery. Marie Ducom. Emicle Famechon. Michel Famechon. Micheline Famechon. Séverine Foy. Eugène Froment. Elise Gaspard. Marie Hélin. Maurice Laneau. Yvette Lefebvre. Adéline Leroy. Charles Lobbé. Augustine Mangin. Renée Marquant. Florine Mathys. Raymonde Mercier. Marie Roger. Jean Sellier. Clémence Vitté.

 

(*) : Telles qu'elles sont consignées dans les registres d'état civil.

 

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31 mars 2013 7 31 /03 /mars /2013 20:26

Emouvant, le témoignage de Jacques Legrand fait écho à celui, poignant, de Maurice Jacquot.

Enseveli par « les mottes de terre » dont faisait état Jacques Legrand dans notre précédent billet, il perd cette tragique nuit du lundi de Pâques 1944 l'un de ses frères, sa soeur, et le lendemain sa mère.

Il a alors douze ans.

 

Briqueterie.jpg

 En bas de la photo avec sa longue cheminée, la briqueterie et le petit chemin qui la longe au milieu des champs. C'est ici que la vie de Maurice Jacquot va basculer en même temps que celles de centaines d'autres habitants de la Cité.

 

 

« Ce jour-là, le 11 avril, nous étions tous réunis dans la cuisine. Mes plus petits frères dormaient. Nous n'allions pas coucher parce que nous étions réveillés par les avions qui allaient faire un raid sur une ville d'Allemagne ou de France. Ce soir, mon père sort. Il rentre plus vite qu'il n'est sorti et nous dit: habillez vous, je viens d'entendre l'alerte à Beautor, nous allons partir dans le fossé du petit bois. Nous voilà sur la route. Mon grand frère court par devant avec mon petit frère et ma soeur. Mon père prévient une voisine. Moi, je marche auprès de ma mère qui n'avance pas vite avec mon frère dans ses bras.

Nous arrivons à la briqueterie quand mon père nous rejoint. Une centaine de fusées sont lancées par les aviateurs. Nous descendons dans le fossé comme les bombes tombent. La D.C.A. Tire. Les gebns qui crient ne sont plus entendus dans tout ce vacarme. Tout d'un coup, tout s'arrête net. Un homme se lève et crie que c'est fini. Mais voilà que des fusées retombent et l'obscurité est sillonnées d'éclairs. Ce n'était qu'une accalmie. On entend siffler les bombes. Une, tombe prés de moi. Je me sens soulevé, roulé et bientôt recouvert de terre. Je me débat et crie: maman, maman, au secours!

Le bombardement se termine après une durée de quarante cinq-minutes. Tout à coup, j'entends une voix que je reconnaissais bien me répondre. C'est celle de mon frère. Je suis si content que j'urine dans ma culotte. Comme j'avais l'oreille aux aguets, j'entends bientôt des voix et la terre remuer. Enfin, je sort de ce maudit trou d'où je croyais ne plus ressortir. J'aperçois l'air, la lumière et je sens une odeur de poudre. On me ramène dans ma maison sur une brouette. Ma mère et mon père étaient déjà là. C'est une voisine qui m'apprit la mort de mon frère et de ma soeur qui étaient ensevelis eux aussi.

A ce moment, nous entendons des ronflement de moteurs d'avions. Mon père dit aux personnes qui étaient dans la pièce «  sauvez vous à la cave; nous, nous restons! » Mais le lendemain, nous apprenons que c'était pour la ville de Laon. Vers onze heures, j'arrive à l'hôpital de Chauny dans lequel ma mère mourut le soir même. »

 

Des victimes comme le frère, la soeur et la mère de Maurice Jacquot, on en dénombrera des dizaines. A propos du nombre exact, les chiffres les plus contradictoires ont circulé. Nous ferons le point sur ce douloureux sujet dans notre prochain billet grâce au recensement opéré par Daniel Druart dans les registres d'état civil des communes aujourd'hui associées de Tergnier, Quessy et Vouel.

 

    Briqueterie-bombardee2.jpg

 Cette vue aérienne prise après le bombardement témoigne du cauchemard vécu par celles et ceux qui, comme Maurice Jacquot, s'étaient enfuis par le chemin de; la briqueterie.

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29 mars 2013 5 29 /03 /mars /2013 16:09

Cahier-de-dessin-2.jpg

Les témoignages qui vont suivre sont extraits de ce cahier que des enseignants s'étaient transmis avant de le remettre à Daniel Druart. 

 

 

 

A propos du bombardement du 11 avril 1944 dont nous remarquions dans notre précédent billet qu'il a tué dans l'oeuf un embryon de nouveau monde en même temps qu'il a détruit un modèle de cité ouvrière, nous voilà en possession d'un document chargé d'une rare émotion: le récit de cette nuit d'enfer, par deux enfants.

Le premier est Jacques Legrand, dont le monde médical se souviendra pour son travail sur la glande thyroïde. Il était en effet responsable de la faculté des sciences de Montpellier lorsque la mort l'arracha à l'affection des siens en novembre 1985.

Le deuxième est Maurice Jacquot qui cette terrible nuit là, perdit son frère, sa soeur et sa mère le lendemain des suites de ses blessures.

Les deux récits sont extrait d'un recueil très particulier de textes à travers lesquels un instituteur, M. Denant, invita ses élèves à exprimer leurs émotions à travers leurs souvenirs durant l'année scolaire 1945-1946. Souvenirs terribles on s'en doute, mais aussi souvenirs merveilleux – nous le verrons un peu plus tard – à travers les récit de la Cité de leur enfance, celle que les bombes n'avaient pas encore détruite.

On notera au passage la profondeur de la démarche; elle intervient bien avant que l'on généralise les cellules d'appui psychologique en cas de traumatisme profond.

Ouvrons donc là cette série de témoignages par celui de Jacques Legrand, âgé de 10 ans et 3 mois lorsqu'il écrit ces lignes.

 

 

Jacques-Legrand.jpgJacques Legrand décèdera brutalement en novembre 1985 alors qu'il oeuvrait au plus haut niveau de la faculté des sciences de Montpellier.

 

 

Le lundi de Pâques, comme nous étions en vacances, l'après midi, nous étions allés toute la famille à Chauny, voir un ami à l'hôpital. Le soir, nous rentrions bien fatigués et aprés avoir mangé, nous nous endormions paisiblement.

« Mais vers minuit moins le quart nous sommes réveillés par des coups de canon, mon père regarde à la fenêtre et voit des fusées tomber. « Vite! Crie-t-il en réveillant maman, les avions vont bombarder, ils sont là au-dessus. »

Maman se réveille en sursaut, enfile sa robe, m'attrape comme une brassée de linge et se précipite dans l'escalier; arrivée en bas, elle m'enfile mon pull-over.

Papa, sur cet entrefaite avait mis son pardessus de chef de train et il partait pour ouvrir la cave mais trop tard, les bombes tombaient déjà. Nous nous entassons en dessous de la table de la salle à manger et nous attendons la fin qui n'arrive pas vite. Au milieu du bombardement, il y a une petite accalmie et nous filons dans la cave des voisins qui était plus proche que la notre.

Eux étaient déjà dedans. Comme on avait laissé la porte ouverte nous voyons passer les avions qui filaient à toute allure sur le chemin de fer.

Le bombardement fini, nous sortons de la cave et mon voisin qui ne voit rien de détruit dans le quartier croit qu'ils ont bien miré mais quand mon père descend dans la Cité il est terrifié de leur oeuvre; la Cité est en ruines.

On commence à voir arriver les secours et l'on entend dans les champs des mères désolées qui ne trouvent plus leurs enfants et qui les appellent: « Fir....main, No....el ».

On retrouve dans les champs des hommes, des enfants ensevelis par les mottes de terre car beaucoup de personnes se croyaient en sureté dans la campagne environnante.

Les hommes des secours défilent maintenant, portant les morts et les blessés sur des brancards.

Après les bombardements de Tergnier et de la Cité, la peur nous envahit encore une fois car les avions reviennent mais plus pour Tergnier; c'était sur Laon.

Ensuite, un ami qui était parti au bombardement du 9 février nous vint en aide; il nous chercha une maison où il était évacué et le lendemain, nous partions pour Ugny-le-Gay. On ne pouvait plus rester à la Cité car notre maison était déjà fort abîmée après ce bombardement terrible. Quel émouvant souvenir! »

 

« Émouvant souvenir » également, soixante-neuf ans plus tard, pour Daniel Druart car parmi ces familles qui avaient cru se préserver des bombes en s'enfuyant à travers champs, il y avait lui. Il y avait aussi Maurice Jacquot qui fut au nombre de ces « enfants ensevelis par des mottes de terre » et dont le récit fera l'objet de notre deuxième témoignage dans notre prochain billet.

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L'histoire d'une Histoire

 

Vue aerienne

 

 

Ville-champignon érigée autour des rails, Tergnier est une ville que l'on croyait sans autre histoire que celle du chemin de fer et de ses destructions successives par les guerres jusqu'à ce que la curiosité de l'un de ses habitants, ancien épicier, mette à jour des richesses jusqu'alors insoupçonnées venues du fond des âges.  

Sautez dans «  le train en marche » et partager cette formidable aventure humaine aux confins du compagnonnage et de la franc-maçonnerie, dans des registres où se côtoient les applications les plus modernes de la sociologie et les plus anciens rites de fondation des villes, la psychologie et l'économie, l'Histoire officielle et l'actualité d'un passé qui interroge le présent....