A travers les témoignages de Jacques Legrand et de Maurice Jacquot, nous avons pu rétrospectivement percevoir toute l’horreur dans laquelle les bombes alliées précipitèrent une population durant la terrible nuit du lundi de Pâques 1944. Mais les témoignages recueillis durant l’année scolaire 1945-1946 par l’instituteur M. Denant portent également la trace indélébile de merveilleux souvenirs d’une enfance insouciante.
Tel un martyr, le rêve de Raoul Dautry semble y être figé pour l’éternité dans une perception du bonheur contre laquelle ni les bombes, ni le temps, ne peuvent rien.
Sous la plume de Marcel Picot et Robert Malaquin, plongeons-nous dans les souvenirs d’enfance d’une génération d’écoliers qui en fera son idéal de vie…
« Savez-vous ce qu’était la Cité avant les bombardements ? Elle était bâtie sur trois territoires : Vouel, Tergnier et Quessy. C’était la plus importante et la plus belle Cité de la région du Nord. Elle comprenait au moins …habitants (NDR : les auteurs du texte n’étaient manifestement pas en possession des données démographiques mais la population de la Cité fut au plus fort de son rayonnement de l’ordre de 4000 habitants) et 900 logements.
Le nombre des écoliers s’élevait à plus de 800 enfants. Tous étaient fils ou filles de Cheminots.
La Cité avait une grande importance ferroviaire. Elle la devait surtout au dépôt, au Matériel Roulant et au triage.
Le dépôt se trouvait sur les grandes lignes qui vont sur le Nord.
Avec toutes ses machines, il parcourait plus de 100 000 km par semaine. Il occupait plus de 350 ouvriers.
Le triage, avec toutes ses voies, occupait plus de 400 m de largeur.
Le Matériel Roulant, lui, comprenait plus de 1100 ouvriers. Là se réparaient les wagons avariés.
L’aspect de notre Cité lui vaut aussi une grande renommée.
Au milieu descendaient les Champs Elysées qui se continuaient sous le nom d’Avenue des Alliés.
Chaque trottoir est bordé de deux rangées de tilleuls et d’une rangée de troènes.
Elle traversait trois places : la place du 113eme, place de France et place de l’Etoile.
Sur la place de France se trouvait le cinéma, l’école ménagère, les bains douches, le pharmacien, la bibliothèque, la maison du docteur et la poste.
Derrière le cinéma se plaçait le stade Charles Secret et à côté s’offrait la piscine.
Derrière le pharmacien, on voyait l’école Pasteur, l’école Veltin et l’école Jeanne d’Arc. Plus loin encore se trouvait la coopérative. J’étais fier d’être fils de Cheminot et de vivre dans cette belle cité. »
A travers d’autres témoignages collectés par M. Denant, nous plongerons plus profondément dans nos prochains billets dans l’univers scolaire des enfants de la Cité et dans le cadre bucolique du parc des Buttes Chaumont. Nous visiterons également le dispensaire, nous prendrons la température de la piscine et nous passerons un dimanche au stade.