Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
29 mars 2013 5 29 /03 /mars /2013 16:09

Cahier-de-dessin-2.jpg

Les témoignages qui vont suivre sont extraits de ce cahier que des enseignants s'étaient transmis avant de le remettre à Daniel Druart. 

 

 

 

A propos du bombardement du 11 avril 1944 dont nous remarquions dans notre précédent billet qu'il a tué dans l'oeuf un embryon de nouveau monde en même temps qu'il a détruit un modèle de cité ouvrière, nous voilà en possession d'un document chargé d'une rare émotion: le récit de cette nuit d'enfer, par deux enfants.

Le premier est Jacques Legrand, dont le monde médical se souviendra pour son travail sur la glande thyroïde. Il était en effet responsable de la faculté des sciences de Montpellier lorsque la mort l'arracha à l'affection des siens en novembre 1985.

Le deuxième est Maurice Jacquot qui cette terrible nuit là, perdit son frère, sa soeur et sa mère le lendemain des suites de ses blessures.

Les deux récits sont extrait d'un recueil très particulier de textes à travers lesquels un instituteur, M. Denant, invita ses élèves à exprimer leurs émotions à travers leurs souvenirs durant l'année scolaire 1945-1946. Souvenirs terribles on s'en doute, mais aussi souvenirs merveilleux – nous le verrons un peu plus tard – à travers les récit de la Cité de leur enfance, celle que les bombes n'avaient pas encore détruite.

On notera au passage la profondeur de la démarche; elle intervient bien avant que l'on généralise les cellules d'appui psychologique en cas de traumatisme profond.

Ouvrons donc là cette série de témoignages par celui de Jacques Legrand, âgé de 10 ans et 3 mois lorsqu'il écrit ces lignes.

 

 

Jacques-Legrand.jpgJacques Legrand décèdera brutalement en novembre 1985 alors qu'il oeuvrait au plus haut niveau de la faculté des sciences de Montpellier.

 

 

Le lundi de Pâques, comme nous étions en vacances, l'après midi, nous étions allés toute la famille à Chauny, voir un ami à l'hôpital. Le soir, nous rentrions bien fatigués et aprés avoir mangé, nous nous endormions paisiblement.

« Mais vers minuit moins le quart nous sommes réveillés par des coups de canon, mon père regarde à la fenêtre et voit des fusées tomber. « Vite! Crie-t-il en réveillant maman, les avions vont bombarder, ils sont là au-dessus. »

Maman se réveille en sursaut, enfile sa robe, m'attrape comme une brassée de linge et se précipite dans l'escalier; arrivée en bas, elle m'enfile mon pull-over.

Papa, sur cet entrefaite avait mis son pardessus de chef de train et il partait pour ouvrir la cave mais trop tard, les bombes tombaient déjà. Nous nous entassons en dessous de la table de la salle à manger et nous attendons la fin qui n'arrive pas vite. Au milieu du bombardement, il y a une petite accalmie et nous filons dans la cave des voisins qui était plus proche que la notre.

Eux étaient déjà dedans. Comme on avait laissé la porte ouverte nous voyons passer les avions qui filaient à toute allure sur le chemin de fer.

Le bombardement fini, nous sortons de la cave et mon voisin qui ne voit rien de détruit dans le quartier croit qu'ils ont bien miré mais quand mon père descend dans la Cité il est terrifié de leur oeuvre; la Cité est en ruines.

On commence à voir arriver les secours et l'on entend dans les champs des mères désolées qui ne trouvent plus leurs enfants et qui les appellent: « Fir....main, No....el ».

On retrouve dans les champs des hommes, des enfants ensevelis par les mottes de terre car beaucoup de personnes se croyaient en sureté dans la campagne environnante.

Les hommes des secours défilent maintenant, portant les morts et les blessés sur des brancards.

Après les bombardements de Tergnier et de la Cité, la peur nous envahit encore une fois car les avions reviennent mais plus pour Tergnier; c'était sur Laon.

Ensuite, un ami qui était parti au bombardement du 9 février nous vint en aide; il nous chercha une maison où il était évacué et le lendemain, nous partions pour Ugny-le-Gay. On ne pouvait plus rester à la Cité car notre maison était déjà fort abîmée après ce bombardement terrible. Quel émouvant souvenir! »

 

« Émouvant souvenir » également, soixante-neuf ans plus tard, pour Daniel Druart car parmi ces familles qui avaient cru se préserver des bombes en s'enfuyant à travers champs, il y avait lui. Il y avait aussi Maurice Jacquot qui fut au nombre de ces « enfants ensevelis par des mottes de terre » et dont le récit fera l'objet de notre deuxième témoignage dans notre prochain billet.

Partager cet article
Repost0

commentaires

L'histoire d'une Histoire

 

Vue aerienne

 

 

Ville-champignon érigée autour des rails, Tergnier est une ville que l'on croyait sans autre histoire que celle du chemin de fer et de ses destructions successives par les guerres jusqu'à ce que la curiosité de l'un de ses habitants, ancien épicier, mette à jour des richesses jusqu'alors insoupçonnées venues du fond des âges.  

Sautez dans «  le train en marche » et partager cette formidable aventure humaine aux confins du compagnonnage et de la franc-maçonnerie, dans des registres où se côtoient les applications les plus modernes de la sociologie et les plus anciens rites de fondation des villes, la psychologie et l'économie, l'Histoire officielle et l'actualité d'un passé qui interroge le présent....