Au coeur d'un paysage de désolation se dresse encore dans le sillage des bombardiers le clocher de l'école Veltin.
On l'aura compris à travers les témoignages de Jacques Legrand et de Maurice Jacquot, un véritable déluge de feu s'abattit durant la nuit du 10 au 11 avril 1944 sur la Cité modèle de Raoul Dautry.
Les archives d'époque font état de 49 minutes de bombardement, de 700 avions et de 49 victimes dans la population.
Ce dernier chiffre néanmoins, est erroné. La seule consultation des archives de l'état civil des communes aujourd'hui associées de Tergnier, Vouel et Quessy – les trois communes sur lesquelles s'étend la Cité – en atteste puisque l'on y relève 32 décès à Vouel, 22 à Tergnier et 39 à Quessy.
Encore ces chiffres-là ne sont-ils pas complets non plus puisque Maurice Jacquot le confirme : il a perdu l'un de ses frères, sa sœur, et sa mère or le registre d'état civil de Quessy ne mentionne que les décès de Christiane et Michel Jacquot. Explication : la mère de Maurice Jacquot a succombé à ses blessures le lendemain, 11 avril, et à Chauny, où elle avait été hospitalisée.
D'autre part, on imagine aisément l'émoi et la confusion dans lesquels ces événements précipitèrent l'agglomération, aussi ne s'étonnera t-on qu'à moitié devant l'imbrication de la Cité dans trois territoires communaux différents, de retrouver certains noms simultanément sur les registres de Vouel et de Queesy : ceux des familles Cochet et Charpentier en particulier mais aussi ceux de Louise Briatte, Charles Lobbé et Clémence Vitté. Dix noms consignés à la fois sur les registres vouellois et quessyssois au total.
Dans ces conditions, on peut avancer sans craindre de se tromper le nombre de 83 victimes au moins (93 - 10), auxquelles s'ajoutèrent par la suite les victimes de leurs blessures et, une semaine plus tard, celles du bombardement du 18 avril.
Le bombardement du 10 avril ayant échoué à détruire les installations ferroviaires, une nouvelle vague aérienne déferla en effet sur le site ternois une semaine après le terrible lundi de Pâques. Là encore, on annonce 6000 bombes larguées, durant 32 minutes par 600 avions. Et là encore, il y a des victimes dans la population : 15 sur le territoire de Tergnier ; 4 sur celui de Vouel ; aucune semble t-il sur celui de Quessy que les habitants avaient massivement fui durant les jours précédents. Jacques Legrand s'était réfugié avec sa famille à Ugny-le-Gay ; Daniel Druart trouva asile, lui, à Fressancourt.
Durant cette terrifiante nuit du lundi de Pâques 1944, les bombes alliées ne détruisirent pas seulement une Cité modèle ; elles disloquèrent un tissu social qui jamais, ne retrouva son « jardin d’Éden », mais jamais non plus, ne l'oublia, ce dont attestent d'autres témoignages d'enfants à venir dans nos prochains billets. Un peu comme si le temps s'était arrêté à l'heure encore indiquée aujourd'hui par le clocher de l'école Veltin, là où la ville dévoila une plaque commémorative le 2 juillet 2011 à l'occasion du 90e anniversaire de l'inauguration de la Cité par Raoul Dautry.
Sur cette plaque, il est sobrement inscrit : « L'horloge de ce clocher marque encore aujourd'hui l'heure du dramatique bombardement de la nuit du 10 au 11 avril 1944 qui a détruit aux trois quarts cette merveilleuse Cité des Cheminots. Hommage aux victimes. »
C'était il y a tout juste soixante-neuf ans aujourd'hui.
2 juillet 2011: à l'occasion du 90e anniversaire de l'inauguration de la Cité, un e plaque commémorative d'hommage aux victimes du bombardement est apposée au mur de façade de l'école Veltin.
Victimes quessyssoises (*)
Fernand Beausir. Jacques Beausir. Charles Bouré. Berthe Bonsselini. Louise Briatte. Léontine Catier. Arlette Charpentier. Gaston Charpentier. Guy Charpentier. Nicole Charpentier. Gaston Cochet. Huguette Cochet. Pierre Cochet. Marie-Thérèse Convers. Gilberte Coquart. Simone Delasauvagère. Fernand Delmaire. Albert De Pauw. Adrienne Deshayes. Arlette Douvez. Henri Douvez. Jacques Gautrelet. Christian Godard. Simon Gossain. Germain Herbin. Marcel Hervet. Christiane Jacquot. Michel Jacquot. Jean Lahaye. Jules Lefevre. Raymonde Lemaire. Charles Lobbé. Fernand Machepy. Jeanne Parent. Raymond Payot. François Sauvage. Jules Sauvage. Clémence Vitté. Jeanne Wannuffelen.
Victimes ternoises (*)
Berthe Bize. Marcelle Charles. Georges Cocset. Gérard Cocset. Jacques Cocset. Jeanne Cocset. Victor Cocset. Claude Didelet. Odette Fieulaine. Charles Gazan. André Gournay. Julie Justin. Arthur Lebrun. Germaine Lebrun. Louise Ledez. Pierre Ledez. Charles Venet. Christiane Venet. Jacques Venet. Jean Venet. Marie-Thérèse Venet. Charles Vincent.
Victimes vouelloises (*)
Louise Briatte. Lucien Caplet. René Caplet. Jeanne Cazenave. Arlette Charpentier. Gaston Charpentier. Guy Charpentier. Nicole Charpentier. Gaston Cochet. Huguette Cochet. Pierre Cochet. Firmin Coupez. François Degrattery. Marie Ducom. Emicle Famechon. Michel Famechon. Micheline Famechon. Séverine Foy. Eugène Froment. Elise Gaspard. Marie Hélin. Maurice Laneau. Yvette Lefebvre. Adéline Leroy. Charles Lobbé. Augustine Mangin. Renée Marquant. Florine Mathys. Raymonde Mercier. Marie Roger. Jean Sellier. Clémence Vitté.
(*) : Telles qu'elles sont consignées dans les registres d'état civil.