« La disposition générale de la Cité vue du ciel dessine des symboles qui nous sont chers. »
Ces propos prêtés à Raoul Dautry sollicitant de sa hiérarchie le feu vert à la construction de sa première cité cheminote à Tergnier émane d’un documentaire fiction qui, sous le titre Il était une fois le train, inaugurera lundi 19 mars une série de cinq films consacrés par la chaîne Planète + à la fabuleuse aventure du chemin de fer.
En optant pour la formule du documentaire fiction, l’agence Galaxie Presse à laquelle la chaîne thématique de Canal + a confié la production de cette série documentaire prend délibérément le parti de « bousculer les codes du documentaire télévisuel. »
Il ne s’agit pas tant en l’occurrence de raconter l’histoire du chemin de fer que de la faire vivre à travers celles et ceux dont elle bouleversa l’existence au fil des deux derniers siècles.
En l’espace de quatre-vingt-dix minutes rythmées par la lecture de courriers réels ou fictifs mais toujours révélateurs de l’état d’esprit d’une époque, le spectateur vit une formidable aventure humaine et technologique au fil des pages écrites à la façon d’un carnet de voyage.
De Victor Hugo qui se dit en 1837 « réconcilié avec le chemin de fer »jusqu’aux phénoménaux succès du train à grande vitesse, en passant par l’anarchique prolifération des compagnies privées, les grèves de 1910 et la reconnaissance de la fonction structurante du rail après la première guerre mondiale, la naissance de la SNCF en 1938, les bouleversements technologiques de la traction électrique ou encore la jonction franco-anglaise opérée sous la Manche, ce voyage dans le temps conte à travers une multitude de petites histoires la grande Histoire du rail et par là du monde moderne.
« Il y a du rêve dans ces rails; le train n’est pas qu’un moyen de transport. Il a changé nos vies »souligne une voix off à laquelle l’enthousiasme d’Olivier Stroh, directeur des chaînes thématique du groupe Canal +, donne un relief particulier.
« Le chemin de fer est une formidable aventure humaine » prévient-il. « Avant le chemin de fer, nous vivions un autre monde dans lequel il fallait plusieurs semaines pour traverser la France. Le chemin de fer a redessiné le paysage de notre pays en même temps que nos vies. »
Une véritable révolution du temps et de l’espace dont les équipes de Galaxie Presse reconstituent les étapes et les contours à grand renfort d’archives et de documents d’époque, d’analyses d’experts mais aussi de témoignages, tels ceux recueillis dans la cité modèle de Tergnier l’été dernier sous la direction de la réalisatrice Sigrid Clément.
Au terme d’une année de travail, la diffusion lundi du documentaire fiction intitulé Il était une fois le trainplantera le décor général de quatre autres documentaires de cinquante-deux minutes à suivre, toujours su Planète +, les 22 et 29 mars sur les thèmes de la construction du réseau ferré, de l’avènement des Cheminots, de la révolution technologique permanente et de l’ouverture au voyage.
Attention à la fermeture des portes…
À découvrir sur Planète + :
Il était une fois le train : lundi 19 mars à 20h40.
Des trains et des hommes :jeudi 22 mars à 20h40.
Des trains et des machines :jeudi 22 mars à 21h30.
Des trains et des voyageurs :jeudi 29 mars à 20h40.
Des trains et des rails : jeudi 29 mars à 21h30.
Entretien avec Sigrid Clément, réalisatrice
Lorsque vous êtes venue tourner l’été dans la cité des cheminots de Tergnier, saviez-vous qu’elle avait été en son temps le prototype du modèle urbain et social que Raoul Dautry a ensuite reproduit en trente-deux exemplaires sur le réseau du Nord?
Sigrid Clément : Oui. Nous savions surtout que Raoul Dautry avait mûri et défendu une conception très particulière de la cité ouvrière. En investissant sur le bien être des Cheminots, il a su, certes, faire fructifier les intérêts de la Compagnie du Nord mais sa démarche était réellement empreinte d’une philosophie que nous ne pouvions pas développer de façon détaillée dans le cadre de notre travail. C’est pourquoi nous lui avons prêté ce propos évocateur des symboles qui structurent sa cité pilote.
Quel souvenir conservez-vous de votre journée de tournage à Tergnier?
Sigrid Clément : Nous avons été frappés par l’ouverture des habitants de la cité sur leur environnement et sur leurs concitoyens. Nous nous laissions guider par Daniel Druart et la conversation s’engageait spontanément, comme si tout le monde se connaissait.
Avez-vous perçu un attachement particulier des habitants à cette cité?
Sigrid Clément : Oui. La meilleure preuve est que certains achètent la maison qu’ils occupaient en tant que locataire. Leur attachement est même très fort. Dans leurs propos se dessine un sens profond du Cheminot, qu’ils ne confondent pas avec l’agent SNCF.
Avez-vous tourné dans d’autres cités cheminotes?
Sigrid Clément : oui. Dans une cité de l’ancien réseau Paris-Lyon-Méditerranée notamment où nous avons rencontré Lucette Galifet; une véritable encyclopédie vivante que nous entendront dans Des trains et des hommes.
En elle comme partout où nous avons rencontré des Cheminots en France, se dégage la nostalgie d’une époque marquée par un sens profond de la solidarité.
Connaissiez-vous l’univers Cheminot avant de l’aborder sous l’angle de la réalisatrice?
Sigrid Clément : Absolument pas. Il nous a fallu l’explorer; il nous a aussi fallu intégrer son langage particulier. Au début, nous ne comprenions rien. Et puis très vite, leurs sigles et leurs acronymes sont devenus un petit jeu entre nous.
…Sourire amusé de Jerôme Cesla, réalisateur : A ce jeu, Sigrid était la plus forte.
Quel souvenir conserverez-vous au final de cette année de travail sur l’univers du rail?
Sigrid Clément : J’ai découvert un autre monde; l’envers d’un décor auquel on ne prête pas attention d’ordinaire : des hommes, des techniques, une organisation phénoménale… Je sais que je ne prendrai plus jamais le train de la même manière.