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26 juillet 2011 2 26 /07 /juillet /2011 10:18

Le succès croissant des visites guidées sur les pas de Raoul Dautry jusque la Cité ne doit rien à la simple curiosité.

Lorsque Daniel Druart aborde à l’intention des randonneurs pédestres les circonstances de la naissance de la Cité dans son contexte historique, il introduit une dose de spiritualité qui, presque brutalement et invariablement, semble suspendre le cours tourmenté de la révolution industrielle qui préside à la naissance du monde moderne.

 

 circuit 3679

Au départ de l'hôtel de ville, Daniel Druart plante le décor: la communauté ternoise n'existe que depuis son accession à l'indépendance spirituelle en 1848.

 

La communauté ternoise, explique t-il invariablement au départ de la place de l’hôtel de ville, n’existe pleinement en tant que telle que depuis son accession à l’indépendance spirituelle obtenue en 1848 avec la construction de sa première église. En l’espace de cent-quinze ans, elle en a connu cinq autres à un rythme qui témoigne de l’emballement de son évolution mais jusque la construction de la première, c’est au cimetière de l’actuelle commune – associée mais voisine - Vouël que les Ternois établissaient leur dernière demeure.

Daniel Druart le rappelle volontiers à ses auditeurs : « Tergnier n’était initialement qu’un hameau de Voüel c’est-à-dire une entité administrative sans autre territoire que celui de son bâti ». Encore cette reconnaissance administrative est-elle relativement récente puisqu’elle ne fut amorcée qu’en 1790 avec la nomination en pleine révolution d’un chef séculier délestée du poids de l’autorité religieuse pour ne plus relever que de celle du préfet. La pleine autonomie administrative n’intervint que beaucoup plus tard en 1823 au détour d’une révision du plan cadastral qui amputait partiellement les communes de Vouël et Fargniers – autre commune aujourd’hui associée mais voisine - d’une partie de leurs territoires respectifs pour constituer le territoire de la commune de Tergnier.

Le territoire en question est fortement marécageux. Nul ne s’en étonnera : Tergnier, au confluent de la vallée de l’Oise et d’un vallon au creux duquel s’écoule depuis le plateau de Mennessis le Rieu, surplombe une anse dont les populations riveraines, notamment à Condren, mesurent parfaitement et parfois à leurs dépens les capacités d’étalement des crues.

  Maquette Daniel Druart

Tergnier: un carrefour naturel. 

 

Auteur en 1961 d’une « étude géographique, économique, historique et humaine » de «  La Fère-Tergnier et environs », Robert Guillermo, membre du Comité d’expansion économique et du progrès social de l’Aisne, relevait la «  destination naturelle » du canton de La Fère-Tergnier «  qui caractérise sa véritable personnalité géographique et économique » et «  lui fait jouer le rôle de carrefour  largement ouvert vers le Nord et l’Est, vers le Sud et aussi vers l’Ouest… »

Ce sont ces dispositions naturelles qui permirent non pas à Tergnier mais à la région de bénéficier des effets induits par le maillage progressif du territoire au bénéfice du transport fluvial. Et ce sont ces mêmes dispositions naturelles qui dès 1810 firent de Tergnier une véritable gare de triage fluviale avec son «  Point Y », plaque tournante de la batellerie entre le bassin parisien, le Nord et l’Est de la France.

 

 tergnier-fargniers le bief intermediaire

Dans le sillage du canal: l'industrie lourde. 

 

Dans cette configuration particulière, la révolution industrielle ne tarda pas à produire ses effets. Profitant des facilités d’acheminement et d’expéditions des matières premières et des marchandises offertes par la proximité du canal de Saint-Quentin entre Fargniers, Tergnier et Quessy, l’agglomération naissante ne tarda pas à accueillir les pionniers d’une industrie lourde qui pesa de tout son poids sur l’évolution démographique.

L' Etude de démographie locale réalisée en 1944 par J. Ferry, inspecteur de l’enseignement primaire, sur l’ensemble du département de l’Aisne, cite Tergnier comme offrant « le plus bel exemple de cités-champignons, nées du rail. »

« Dès la construction des premières lignes Creil-Saint-Quentin vers 1850, Tergnier-Laon vers 1855 et Amiens-Tergnier vers 1865, la population de Tergnier passe de 258 habitants à plus de 3000 » relève l’auteur.

Son travail se trouve néanmoins singulièrement compliqué alors tant sur la forme que sur le fond. Sur la forme d’abord parce que les archives municipales ont grandement souffert des destructions opérées par l’armée allemande durant la première guerre mondiale. Sur le fond ensuite car l’imbrication des différentes communes au cœur d’une agglomération tractée par la même «  locomotive industrielle » rend difficilement identifiables leurs parts respectives de retombées.

Le parti pris d’un relevé démographique d’agglomération semble dans ces conditions d’autant plus judicieux qu’il permet de contourner les difficultés inhérentes à la situation sans rien occulter de l’impact du développement du chemin de fer sur la vie locale. Ainsi apprend t-on que les quatre communes de Tergnier, Fargniers, Vouel et Quessy totalisaient 1786 habitants en 1836, 1923 en 1846, 2227 en 1856, 4403 en 1866, 6292 en 1876, 7252 en 1886, 7814 en 1896, 8682 en 1906, 11796 en 1926, et enfin 13642 en 1936.

 

Ateliers (rue) 1  L'animation qui règne au début du XXe siècle dans la rue des ateliers ( actuelle rue Jean-Moulin) témoigne de la vitalité d'une cité-champignon née du rail.

 

Rétrospectivement, il est clair que l’émancipation de Tergnier, administrative en 1823 puis spirituelle en 1848, est intervenue juste à temps pour que la commune ait en mains les commandes de son propre destin car dès 1850, le chemin de fer arrivait à Tergnier pour y poser ses valises.

Avec cent cinquante ans de recul, cet épisode prend dans les propos de Daniel Druart une tournure anecdotique.

« Le chemin de fer ne devait pas passer initialement par Tergnier mais directement par Saint-Quentin depuis Paris, via Noyon et Ham ».

Pourquoi Saint-Quentin ? La réponse est d’ordre technique. L’autonomie des locomotives à vapeurs était, en eau comme en charbon, de 130 km or 130 km, c’est la distance qui sépare Paris de Saint-Quentin en direction du Nord.

Et pourquoi pas Saint-Quentin via Noyon et Ham ? « Parce que la corporation des diligences s’est mobilisée pour contrer l’arrivée du Cheval de fer dont elle pressentait qu’elle allait accélérer son déclin. »

Maître d’œuvre du projet, la Compagnie des chemins de fer du Nord n’eut qu’à jouer du compas sur une carte pour trouver à 130 km de Paris une voie de dégagement à la vallée de l’Oise vers le Nord de la France, au creux d’un vallon bordé de part et d’autre par les communes de Tergnier, Fargniers et Quessy.

Mais bien plus que cette modification de trajectoire, ce sont les aménagements induits qui bouleversèrent le destin de Tergnier. Le projet initial de la Compagnie des chemins de fer du Nord prévoyait l’implantation à Saint-Quentin d’ateliers de réparation du matériel qui du même coup, furent construits à Tergnier sur le site de changement des véhicules tracteurs.

 

  semard 1909

La rue de la gare devient très vite une véritable fourmilière. 

 

Ce furent là les prémisses d’une véritable révolution à la fois démographique et sociologique car faute de disposer sur place de la main-d’œuvre requise, l’agglomération prit une part active à l’exode rural amorcé à l’époque en faveur de la constitution de pôles urbains et, dans le cas présent, d’un pôle urbain sorti de terre comme un champignon au bord des rails.

Cent soixante ans plus tard, cette configuration urbaine centrée sur les infrastructures ferroviaires pèse toujours et très lourdement sur le quotidien de la ville. C’est elle qui, à la fin de l’année 2008, a excité la curiosité d’un groupe d’une cinquantaine de collégiens et lycéens en provenance de Compiègne.

Motivés par l’élaboration d’un document audiovisuel, les lycéens s’intéressaient essentiellement à l’architecture de la Cité cheminote construite par Raoul Dautry après les destructions de la première guerre mondiale et à son contexte. Les collégiens, eux, étudiaient dans le cadre d’un contrat départemental de développement culturel les rapports de l’entreprise avec son milieu, thème qui les conduisit successivement à visiter ce jour-là le site Arcelormittal de Montataires dans l’Oise, la Cité jardin de Raoul Dautry à Tergnier et un peu plus au nord du département le fameux Familistère Godin de Guise.

 

  Vue aer 1

  A quoi peut bien ressembler une ville bâtie autour des rails?

 

« Le professeur référent voulait mettre en évidence les interactions qui régissent les rapports entre la vie d’une entreprise et la vie sociale », se souvient Daniel Druart. Ce sont ces interactions qui, depuis huit mois au moment de ces journées du patrimoine 2009, plongent dans un océan d’interrogations les randonneurs pédestres du circuit historique de Tergnier lorsque, franchissant en provenance du canal Crozat la passerelle qui surplombe le centre de triage ferroviaire et les Ateliers, Daniel Druart déplie aux portes de la Cité des Cheminots le plan originel conçu – et réalisé en une nuit dit-on - par Raoul Dautry. « Ici fut inaugurée en 1921 une cité ouvrière dont l’architecture urbaine repose sur deux cercles et une ellipse incarnant la triade Ciel-Homme-Terre » annonce t-il.

 

Vue aerienne 1

  Deux cercles et une ellipse incarnant la triade Ciel-Homme-Terre.

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9 juillet 2011 6 09 /07 /juillet /2011 10:35

visite CQFD Tergnier bis

22 février 2009: moins d'un mois après la parution de la page spéciale consacrée à la Cité par l'Aisne Nouvelle, l'association chaunoise CQFD est la première à venir partager sur le terrain le fruit des investigations de Daniel Druart.

 

Des réactions symptomatiques du «  syndrome DDT », Daniel Druart en enregistrent quelques-unes lors de la publication de la page spéciale de l’Aisne Nouvelle. Les unes sont empreintes de toute la difficulté qu’il y a à réviser ce que l’on tient depuis des lustres pour une certitude ; d’autres masquent à peine l’hostilité à toute forme d’interrogation de l’Histoire susceptible de déboucher sur une redistribution des rôles de ses acteurs, comme tel peut être le cas lorsque l’on interroge les relations complexes de Dautry avec le syndicalisme ou – pire – avec la politique.

L’appropriation du fruit des investigations de Daniel Druart par la population locale se révèle en vérité très prudente.

Au fil des semaines et des mois néanmoins, de petits groupes en petits groupes, les hypothèses de notre « Champollion local » suivent leur bonhomme de chemin dans l’opinion publique.

 

Visite Tergnier

19 septembre 2009: la Cité est une des nouvelles destinations vedettes des journées du patrimoine.

 

 

Plusieurs mois se seront écoulés lorsqu’au mois de septembre suivant, une quarantaine d’habitants guidés par Daniel Druart consacre simultanément plusieurs heures de son week end à explorer sous un angle nouveau son cadre quotidien.

En ce 19 septembre qui ouvre l’édition 2009 des Journées européennes du patrimoine, ce n’est pas la ville voisine de Laon, ancienne capitale médiévale de la France qui a capté son attention ; ce n’est pas non plus Saint-Quentin, la cité de Quentin de la Tour et de Xavier Bertrand réunis pourtant plongée dans la célébration du 500e anniversaire de la construction de son hôtel de ville. Ce n’est pas plus Coucy-le-Château et sa forteresse médiévale et encore moins aucune autre des villes alentours qui ne ménagent pourtant ni leurs efforts ni leur imagination pour affirmer leur envergure touristique.

Les amateurs de patrimoine réunis au départ de la place de l’hôtel de ville de Tergnier répondent à l’invitation du comité d’animation du Centre de vie – une sorte de MJC des aînés – qui leur propose de refaire à pied ce jour-là le parcours historique de Tergnier présenté quelques mois plus tôt par Daniel Druart au travers d’un diaporama.

Lors de la présentation en salle, le public était deux fois plus nombreux mais le centre de vie n’ayant d’une MJC que le mode de fonctionnement, seuls les plus téméraires se sont risqués à prendre le départ du petit circuit pédestre urbain de 7 km dessiné par Daniel Druart, qui, pour sa part, affectionne la marche à pied.

Quarante randonneurs, c’est au demeurant quarante touristes d’un jour portés – ce n’est pas le moindre des aspects singuliers du rendez-vous – à jeter un regard neuf sur leur environnement ordinaire. Rapporté aux proportions des villes voisines de Laon et de Saint-Quentin, cela équivaut à des pelotons respectifs de 70 et 160 randonneurs. Et rapporté à la population de la capitale, cela porterait le groupe à 6000 randonneurs.

Encore que l’exemple de la capitale ne traduit pas dans le cas présent la réalité de la démarche ternoise car découvrir et redécouvrir les trésors, les curiosités et les témoignages de l’histoire de Paris, c’est en bien des cas plonger dans l’Histoire tout court or celle-ci – du moins le croyait-on – avait jusqu’alors contourné Tergnier.

Pour le commun des contemporains de Daniel Druart, Tergnier est en l’occurrence une ville-champignon érigée autour des rails et dont on se souvient qu’elle a atrocement souffert durant les deux guerres mondiales ; approche réaliste mais exclusivement matérialiste d’une Histoire dont l’exploration de la Cité modèle de Raoul Dautry met à jour des reliefs insoupçonnés, sculptés dans des matériaux venus du fond des âges et chargés de spiritualité.

C’est le sens et l’impact de cette spiritualité dans un univers a priori matériel que nous devons nous efforcer d’explorer, mais à présent sous les feux de l’opinion publique qui, charmée, intriguée, décontenancée ou irritée, s’empare des interrogations nourries par notre voyage dans le temps.

 

visite 3688

Lorsque les randonneurs quittent les berges du canal pour pénétrer par la passerelle dans la Cité, l'histoire des rapports de la ville et du rail s'éclaire sous un nouveau jour.

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16 juin 2011 4 16 /06 /juin /2011 11:30

Vue aerienne 4

La cité telle qu'elle se présente aujourd'hui vue du ciel ( photo aéro-club de l'Aisne.)

 

 

Passé la publication par l’Aisne Nouvelle de la page spéciale consacrée au décryptage du symbolisme du plan de Raoul Dautry, la Cité, pensions-nous, ne serait plus jamais regardée par nos contemporains avec le même regard.

Grossière erreur qui eut tôt fait de nous ramener aux fondamentaux de la communication : lorsque l’on a un message à faire passer, ce que l’ont dit importe bien moins que ce qui en sera retenu par le destinataire.

Le «  destinataire » qui nous intéresse dans le cas présent se manifesta par téléphone quelques jours après la publication dans l’Aisne Nouvelle. Membre de l’aéro-club de l’Aisne basé à Roupy, près de Saint-Quentin, il avait lu avec intérêt la page consacrée à la Cité-jardin de Tergnier et sollicitait de l’auteur des articles l’autorisation de s’en inspirer pour alimenter le bulletin de liaison du club.

C’est ainsi que, recommandant cette destination dans le cadre «  d’un p’tit vol d’un quart d’heure », il invitait ses camarades de club à «  chercher la locomotive en survolant la Cité-jardin de Tergnier. »

« Aujourd’hui, on distingue très bien la forme d’une roue en survolant cette cité » affirmait-il.

Le mythe des trois roues de locomotive se révélait décidément plus tenace que nous l’attendions.

Notre interlocuteur avait bien lu l’Aisne Nouvelle ; il avait bien analysé le contenu dont il présentait par ailleurs une synthèse assez fidèle dans le bulletin de l’aéro-club mais, au final, il en retenait autre chose, voire le contraire, de qui était écrit.

 

Trois roues de référence

 

Peu banale en apparence mais somme toute classique dans le registre de la communication, la situation me paraissait caractéristique du «  syndrome DDT », par référence à un exemple tiré d’un ouvrage de Robert Escarpit, professeur à l’université de Bordeaux III (Presses universitaires de France, Collection Que sais-je, 1993) sur L’écrit et la communication.

Décrivant la nécessité pour un individu de passer, selon ses connaissances préalables, d’un mode de lecture hyperlogographique ( global) à un mode hypologographique ( syllabe par syllabe et à voix haute afin d’aider phoniquement le cerveau à mémoriser le mot créé par l’assemblage des syllabes), il prend cet exemple : Un excellent moyen de lutte contre les insectes est la pulvérisation d’une solution de dichlorodiphényltrichloréthane.

Pour avoir à maintes reprises testé cet exemple sur des lecteurs étrangers à la chimie ( ou à l’agriculture intensive car un agriculteur, familiarisé avec ce produit, aurait probablement mémorisé le mot sous son diminutif commun de DDT), j’ai pu à chaque fois assister au même processus de distorsion et au final d’altération du message initial. La phrase est lue et mémorisée de façon courante jusqu’à ce que surgisse le mot dichlorodiphényltrichloréthane.

Alors le sujet, pourtant rompu à l’exercice de la lecture, butte et se met à lire à voix haute comme un enfant de cours préparatoire qui, reconstituant patiemment chaque syllabe, s’efforce de les associer mentalement dans un effort de concentration qui finit par lui faire perdre le fil de la phrase dans sa globalité. Puis l’effort de concentration s’estompe pour céder le pas au processus de mémorisation, lequel s’adapte à la difficulté du moment.

De quelles capacités d’adaptation le cerveau est-il doté en tel cas de figure ? Suggérez à votre interlocuteur de formuler plus simplement la phrase pour en retenir l’essentiel ; cela donne invariablement quelque chose du genre «  Il existe un bon moyen de lutter contre les insectes. » Ce qui est vrai mais l’était déjà bien avant l’invention du dichlorodiphényltrichloréthane, lorsque l’homme chassait les insectes à la main. Pour être fondée, cette affirmation ne correspond absolument pas en l’occurrence à celle véhiculée par le message initial.

C’est ce «  syndrome DDT » qui, vraisemblablement, aura conduit notre amateur d’aviation à retenir des trois cercles, dans lesquels Daniel Druart voit la représentation de la triade Ciel-Homme-Terre, qu’il «  se passe quelque chose dans la Cité-jardin de Tergnier à propos des trois roues de locomotive. »

 

L'exemple de Dautry

 

Au final, l’interprétation des trois cercles telle que la suggère Daniel Druart reste ici adossée au mythe des trois roues qui la précédait, et a le mot de la fin.

Simple accident de parcours qui, rétrospectivement, met en exergue l ‘efficacité de la communication de Raoul Dautry car, lui, ne s’est pas pris les pieds dans le tapis des prédispositions et certitudes de son époque.

A l’intention de celles et ceux qu’il voulait convaincre du bien fondé de son projet de cité, il a recouru au langage symbolique traditionnel qui véhicule une culture commune délestée des particularisme. Langage hermétique certes, mais commun à tous ceux qui accèdent à cet hermétisme et dont l’identification nous aidera probablement à mieux cerner l’état d’esprit de Dautry lui-même. Une seule certitude à ce stade : ce n’est pas à l’intention des futurs habitants cheminots qu’il a couché le plan de sa « Cité modèle » mais à l’usage des décideurs et financeurs potentiels qui lui donneraient le feu vert ou, au contraire, repousseraient ses desseins.

A l’intention des habitants de sa cité, il multiplia également un peu plus tard les messages relatifs à l’occupation, à l’organisation et à la façon de vivre l’espace collectif mais il le fit différemment ; en prises de paroles surtout. Et force est de constater que ses paroles ont été bien perçues par une population qui, dans cet espace aménagé, structuré et hiérarchisé selon les deux axes de rotation de la terre et de la course du soleil, semble avoir trouvé naturellement ses repères.

Faut-il voir dans ces deux axes et leurs implications l’accord préalable – le «  DDT » - essentiel à toute forme de compréhension entre le polytechnicien ingénieur du chemin de fer et une population encore pétrie, en 1920, d’une culture non seulement rurale mais de surcroît, pour prés d’un actif sur deux, agricole, c’est-à-dire adossée au cycle des saisons ?

 

Vue aerienne 1

La Cité, telles qu'elle se présentait vue du ciel en 1921. 

 

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7 juin 2011 2 07 /06 /juin /2011 09:44

Terminons ici la relecture de cette page spéciale consacrée le 24 janvier 2009 par L’Aisne Nouvelle aux travaux de Daniel Druart.

Deux éclairages complétaient sur une colonne les articles principaux.

Le premier parce que l’on ne touche pas impunément à des certitudes ancrées dans quatre-vingt-dix ans de culture collective sans provoquer des réticences, voire soulever des objections. Tel était le sens de l’éclairage porté sur les réactions de Joël Bevières, figure locale de la Vapeur…

Le second parce qu’à se faire sans cesse renvoyer du symbolisme compagnonnique au symbolisme maçonnique et réciproquement, Daniel Druart était bien incapable de substituer aux vieilles certitudes ancrées dans le symbolisme des trois roues de locomotive d’autres certitudes dont il peinait encore à identifier formellement les fondements….

 

Joël Bevières : «  ça interpelle ! »

 

Page d'histoire 4Comme Daniel Druart, Joël Bevières ne déteste pas, lorsque la locomotive du Chemin de fer du Vermandois lui en laisse le loisir, se consacrer au partage de sa passion pour la Cité-jardin de Quessy.

Mais lui, comme tant d’autres depuis quatre-vingt-dix ans, croyait dur comme fer au mythe des trois roues de locomotive jusqu’à ce que Daniel Druart vienne lui faire part de ses investigations et de ses réflexions.

Comment prend-il la chose ?

« Ca interpelle ! » s’exclame t-il.

Prudent, il aimerait pouvoir vérifier et approfondir la conformité de ce nouveau décryptage au code des ordres intéressés mais il en convient : «  cela mérite que l’on s’y intéresse de plus près. »

Dubitatif malgré tout, il s’étonne de ce «  qu’aucune sommité n’ait relevé la chose jusqu’à présent. »

Il s’en étonne d’autant plus que, maintenant que son attention a été attirée, il « reconnaît effectivement ces symboles du triangle, de l’œil incarnant la conscience, de la règle, de l’équerre » et d’autres encore…

« Mais cela pourrait tout changer car comment aurait-il pu coucher ce plan en une nuit sur le sol de son salon ? » interroge t-il brutalement, incrédule.

Schéma heuristique ? Joël Bevières ne connaît pas. Mais il est ouvert. D’autant plus ouvert « qu’on va peut-être mieux comprendre pourquoi on était incapable jusque-là de donner un sens au nom de certaines rues comme la rue des Grands Rayons ou celle des Grands Camps » conclut-il.

 

Compagnonnage, Franc-Maçonnerie : une filiation commune

 

Page d'histoire 5Daniel Druart l’avoue humblement : il a peiné à faire la part des choses entre Compagnonnage et Franc-Maçonnerie.

Si tel est le cas, c’est que le symbolisme respectif des deux ordres révèle une filiation commune dont l’origine remonterait au début du XIIe siècle avec la franc-maçonnerie « opérative », constituée de laïcs, par opposition à la franc-maçonnerie «  spéculative » des religieux savants alimentée par l’ordre des Templiers.

Le compagnonnage entretient en somme l’œuvre de la franc-maçonnerie opérative.

Aujourd’hui régi par la loi de 1901, l’ordre compagnonnique revendique l’esprit qui animait déjà ses ancêtres bâtisseurs de cathédrales : faire du métier le vecteur d’une transmission qui porte autant sur le savoir-faire, le savoir-être et le faire-savoir.

 

Et maintenant ?

 

Ici aurait dû s’achever après deux mois de minutieuses vérifications mon travail de journaliste localier.

Dans les faits, il n’en fut rien.

D’abord parce que la publication de cette page spéciale provoqua de multiples et diverses réactions de nature à maintenir en éveil l’attention d’un journaliste : réactions palpables du public au travers de son intérêt grandissant pour le circuit historique élaboré par Daniel Druart ; réactions plus subtiles de témoignages également, que nous verserons dans de prochains billets au fond commun de notre curiosité…

L’autre raison majeure à la poursuite de mes investigations tient aux multiples questions en suspens pour les unes ou, au contraire, soulevées par certaines réponses pour d’autres : compagnonnage ou franc-maçonnerie ? Est-il important de trancher ? Pourquoi Raoul Dautry a t-il eu recours au symbolisme traditionnel ? Dans quel contexte son message a t-il été reçu et par qui ? Quels en étaient les enjeux ? A t-il transposé ailleurs son «  modèle de cité » ternoise ?

Et si, bien plus qu’un modèle de cité, notre Cité modèle était la vitrine des doutes, des débats, des combats et des enjeux de toute une époque ?

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1 juin 2011 3 01 /06 /juin /2011 14:12

Sur le thème «  D’une génération à l’autre, aux mêmes questions les mêmes réponses », un troisième article intitulé « On ne manquait de rien » évoquait le caractère actuel de cet éclairage du passé, justifiant du même coup son traitement journalistique…

 

Page d'histoire 3

 

En concevant sa cité comme un sanctuaire édifié sur le corporatisme, Raoul-Dautry a insufflé une culture qui – fait troublant – a survécu au «  Maître » comme à son chef d’œuvre…

 

Les témoignages de ceux qui vécurent au sein de la Cité d’antan en attestent : la distribution des lieux, ses équipements et la culture qui y réglaient les rapports humains dans tous les compartiments de la vie quotidienne firent de la Cité un véritable sanctuaire.

« On était bien dans notre campagne » se souvient Renée Méresse.

Interrogée en septembre dernier (NDR : septembre 2008) par nos confrères de FR3 Picardie, elle évoquait une Cité «  dans laquelle on ne manquait de rien. »

« Il y avait tout : cinéma, dispensaire, école ménagère car on nous apprenait aussi à faire à manger… »

Elle évoquait aussi Madame Heugel, «  une Américaine qui avait des pouvoirs sur la Cité » explique t-elle. La mère, en l’occurrence, de Jacques Heugel, ami très proche de Raoul Dautry, qui était aussi le pivot de la politique sociale Dautryenne dans la Cité.

Dans l’action de cette femme à laquelle le plan initial de la Cité consacre une rue entre l’entrée est de la Cité (celle des initiés qui apportent la lumière du solail levant) et le cœur de la Cité ( la place du 113e R.I.), Daniel Druart voit la transposition de la Mère compagnonnique – celle qui veille sur la dimension sociale de l’apprentissage sur le tour de France.

La dimension sociale ? Joël Desmaret en est, lui aussi, imprégné. « Que l’on s’abîme un genou en tombant et l’on allait directement au dispensaire se faire soigner » se souvient-il.

Comme Renée Méresse, il se souvient «  n’avoir manqué de rien. »

« Il y avait cinéma, stade, piscine, centre de loisirs, école, économat… »

De la Cité de son enfance, il parle comme d’une vaste cour de récréation dans laquelle les enfants s’épanouissaient au rythme des règles collectives auxquelles veillait le Conseil de la Cité.

Pas de police ; « juste deux gardes champêtres que l’on appelait Double mètre et Nenoeil. »

« Si on se faisait prendre à faire une bêtise, le père était mis au courant au boulot et ça chauffait lorsqu’il rentrait. »

Quels rapports, d’une façon générale, avec les adultes ? « Il y avait toujours une place pour nous mais ils ne s’occupaient pas particulièrement de nous. Si on voulait regarder la télé, on allait chez le voisin et lorsque c’était fini, on disait au revoir et merci. »

Quels rapports avec Tergnier ? « On n’y allait pas beaucoup ; Tergnier, c’était la ville ! » se souvient Chantal, l’épouse de Joël.

Le propos est si semblable, au mot près, à celui de Renée Méresse qu’il en devient troublant.

Renée Méresse en effet, a vécu son enfance dans la Cité-jardin originelle qui fut en grande partie détruite par les bombardements ; Joël et Chantal Desmaret ont vécu la leur dansla Cité reconstruite après guerre selon un modèle résolument différent de celui de Dautry.

Deux cités différentes donc, mais une même culture qui a traversé les générations pour ne s’essouffler que progressivement jusqu’à alimenter des regrets au sein de l’actuelle population de la Cité.

Et si Raoul Dautry avait mis le doigt bien avant l’heure sur le concept d’habitus selon lequel les sociologue décrivent les interactions entre l’individu et son environnement ?

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23 mai 2011 1 23 /05 /mai /2011 09:59

Daniel Druart : « J’ai joué les Champollion »

 

 Page d'histoire 2

 

Conscients des perturbations à attendre d’un tel nouvel éclairage porté sur une culture que nul n’avait songé à interroger, nous consacrions un deuxième article à la démarche de Daniel Druart sous l’intitulé «  Daniel Druart est-il un briseur de mythe ? »

 

 

Daniel Druart est né dans la Cité. Il y a grandi et y a vécu les bombardements de la seconde guerre mondiale depuis la ferme du belvédère où il a partagé le quotidien de ses grands-parents maternels, à quelques enjambées du domicile des grands-parents paternels. Son grand-père était sous-chef de dépôt.

Il l’aime tellement, la cité de son enfance, que la retraite venue, il y guide volontiers des groupes de marcheurs au fil d’un parcours qui allie les bienfaits de l’exercice physique à ceux d’une gymnastique cérébrale empruntée au registre du tourisme industriel.

Il marchait régulièrement ; il lisait beaucoup, sur Dautry, sur les chemins de fer, la révolution industrielle et tout cela aurait suffi à lui procurer un tranquille agenda de retraité si le hasard des vacances ne lui avait pas fait rencontrer un jour Jean-Pierre Bayard, un spécialiste de l’ésotérisme, auteur de plusieurs ouvrages consacrés au compagnonnage, à la franc-maçonnerie et au symbolisme des cathédrales notamment.

C’était en Dordogne, dans la salle de restaurant d’un hôtel frappé – cela ne s’invente pas – de l’écusson des Templiers.

De cette rencontre, Daniel Druart a conservé ce qui n’était dans un premier temps qu’une curiosité pleinement satisfaite par la lecture. Jusqu’à ce que la lecture lui révèle ce lien subtil qui unit le champ d’investigation du spécialise en ésotérisme à sa Cité à lui, Daniel Druart : c’est à Raoul Dautry lui-même que l’on doit la présentation, en 1951, d’un ouvrage de référence intitulé Le compagnonnage, écrit par le compagnon Jean Bernard, instigateur de l’unification des corporations.

Sur le parcours d’un homme qui a cheminé de la Compagnie des chemins de fer du Nord au Ministère de la reconstruction en passant par la direction du chemin de fer de l’Etat, la Compagnie transatlantique, Hispano Suiza, le conseil à l’énergie atomique et le gouvernement Laval, l’introduction de l’ouvrage fédérateur de Jean Bernard aurait pu n’être qu’anecdotique si elle n’avait pas éclairé les zones d’ombres de l’histoire de la Cité sous un nouveau jour.

Décrypté à la lumière des codes compagnonniques, la succession de cercles, dont un ovale, évoque bien moins sûrement selon Daniel Druart les trois roues d’une locomotive que les trois pôles de l’universelle triade Ciel-Homme-Terre.

Des triangles, des carrés, des cercles ? «  Cela nous renvoie au registre très hermétique des architectes du trait » explique t-il. Des maîtres d’œuvre dont on prétend qu’ils étaient capables d’échafauder le plan d’une cathédrale sans la moindre mesure, par le seul recours aux lois de la géométrie.

« Dès lors, les indices se sont accumulés, chacun d’eux venant étayer l’interprétation du précédent » explique Daniel Druart tout excité. Cela vaut pour les figures comme pour les noms des rues, leur enchaînement, leur voisinage ou au contraire leur opposition. A l’instar des cathédrales conçues comme des livres ouverts, la Cité porte l’empreinte de la conception Dautryenne de l’épanouissement de l’Homme : rue des vertus, de l’espérance, du Paradis, Rues Pascal, Voltaire, Michelet, Laplace…

« J’ai joué les Champollion et au final, je pense que Raoul Dautry a couché le plan de sa cité-jardin comme on dresse un schéma heuristique » explique t-il. Entendez par-là qu’il se serait appliqué à offrir une représentation spatiale des qualités, des connaissances, des dispositions particulières qui concourent à l’épanouissement humain selon un parcours initiatique qui ferait de la Cité l’écrin d’une culture spécifique. A la manière, en somme, des catéchèses monumentales que sont les cathédrales mais cette fois à l’échelle d’une agglomération de 1112 logements construits sur 110 hectares.

 

 

 

 

 

 

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21 mai 2011 6 21 /05 /mai /2011 11:54

La Cité a-t-elle livré tous ses secrets ?

 

" A ce stade des investigations, les découvertes de Daniel Druart sont suffisamment fondées pour légitimer la pleine page que leur consacre l’Aisne Nouvelle dans son édition du 24 janvier 2009 " concluions-nous dans notre précèdent billet.

La voici donc, cette fameuse page spéciale qui consacra le fruit de nos interrogations et de nos recherches. Nos investigations soulevèrent d’autres d'autres interrogations qui allaient nous contraindre à mener de nouvelles recherches conduisant à de nouvelles interrogations encore mais cette page spéciale avait déà à ce stade  une histoire...

  

Page d'histoire 1

 

Quatre-vingt-huit ans après l’inauguration de la mythique Cité-jardin, un Ternois éclaire l’œuvre de Dautry sous un angle nouveau

 

 

 

Voilà une nouvelle qui va faire du bruit dans le landernau ! La Cité des cheminots construite par Raoul Dautry ne serait pas ce modèle urbain célébrant autour d’une succession de places symbolisant le train de roues d’une locomotive, l’intégration de la vie sociale et de la vie privée dans l’univers professionnel ; elle serait une véritable cathédrale urbaine, érigée selon les principes, les règles et probablement les finalités qui depuis le moyen âge unissent les bâtisseurs de cathédrales.

Celui qui prend le risque aujourd’hui de briser le mythe des roues de locomotive partagé par quelques générations de cheminots, de Ternois, d’historiens et d’urbanistes, est né dans cette cité. C’est dans cet univers filiateur qu’il prend plaisir à guider ponctuellement les visiteurs selon un parcours empruntant aux souvenirs de son enfance.

C’est sur ce parcours que se sont multipliés au fil des visites, les signes annonciateurs de la fin d’un mythe auquel il adhérait depuis toujours sans plus de question que ne peut en susciter une version de l’Histoire communément admise.

Des signes anodins d’abord, révélés par l’incapacité de répondre formellement aux questions posées par les touristes d’un jour. "  Pourquoi cette forme triangulaire si singulière de la tour de l’école Veltin, dont l’horloge marque encore l’heure du meurtrier bombardement du lundi de Pâques 1944 ? "

Des signes plus profonds ensuite, révélés par la quête de réponses aux questions en suspens à travers plusieurs des ouvrages biographiques consacrés à Raoul Dautry. "  Comment un ingénieur SNCF aussi rigoureux et pointilleux que Raoul Dautry a t-il pu dessiner une roue de locomotive ovale ? " interroge Daniel Druart. Un vrai petit mystère que les hasards de la vie ont propulsé chez lui du rang d’anecdote à celui de révélation..

A la lecture d’un ouvrage consacré au compagnonnage, Daniel Druard découvre que Raoul Dautry évoluait dans les plus hautes sphères de cet ordre fondé sur le culte de l’excellence. "  S’il s’est imprégné du compagnonnage, alors il a forcément signé son chef d’œuvre ! " s’exclame t-il. Et comme nul ne doute parmi les plus réputés spécialistes de l’œuvre de Dautry, de l’intérêt particulier que l’ingénieur en chef manifestait pour Sa Cité de Tergnier, Daniel Druart n’a à aucun moment douté, lui, que le chef d’œuvre en question soit cette cité-là et aucune autre du réseau du Chemin de fer du Nord.

Dès lors, les signes compagnonniques lui sont apparus à l’évidence comme autant de pièces d’un puzzle reconstituant la Cité dans une dimension jusqu’alors insoupçonnée.

L’équerre, la règle, le compas, l’étoile – représentation allégorique du grand architecte de l’univers – à partir de laquelle le fil à plomb trace l’axe vertical du chef d’œuvre, le lac d’amour – représentation allégorique du labyrinthe dans lequel l’homme doit trouver le chemin qui le mènera de l’éphémère à l’éternité… Autant de symboles que l’œil de Daniel Druart, de plus en plus aiguisé par l’initiation au symbolisme compagnonnique – et par extension maçonnique – extrait de l’enchevêtrement apparent des rues et places de la Cité.

Daniel Druart pourrait croire au hasard si ses investigations ne l’avaient pas conduit à recenser une somme considérable de hasards renvoyant à la culture des bâtisseurs de cathédrales, dans un espace aussi restreint que celui d’une cité structurée par deux axes formant une parfaite croix latine dont l’examen approfondi renvoie au Décumanus romain ( axe Est-Ouest, de nature féminine) et au Cardo ( axe Nord-Sud, de nature masculine).

Lorsqu’il se replonge dans la cité de son enfance, il se laisse du coup gagner par la fièvre du gamin qui déflore un secret de "Grands". Une réminiscence de ses jeunes années peut-être mais force est de constater que les générations successives de cheminots témoignant de leur vie dans la Cité évoquent un véritable sanctuaire caractérisé par la sérénité ambiante.

 

 

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11 mai 2011 3 11 /05 /mai /2011 10:44

Une Aisne Nouvelle

24 janvier 2009: l'Aisne Nouvelle consacre une pleine page aux investigations menées par Daniel Druart. C'est le début d'une autre aventure; celle du partage.

 

 

La génération de Dautry, nous l’avons vu dans notre précédent billet, est sensible aux sirènes du nationalisme économique qui fait, outre Rhin, le lit du National Socialisme.
Cette génération, le « père » de la Cité en expose les préoccupations devant la société industrielle de Rouen en mars 1934. « Aujourd’hui, l’Europe a perdu son monopole industriel et dans ces conditions la liberté économique ne peut plus jouer sans péril pour elle. Aujourd’hui, la liberté industrielle et commerciale totale, non seulement n’est plus la condition première de la prospérité pour les vieux pays comme l’Angleterre, l’Allemagne, la Belgique, la France, la Suisse et l’Italie, mais elle constitue un véritable obstacle à cette prospérité…
« …Le libéralisme absolu est mort. Il ne pourrait revivre sans ramener le niveau de vie des pays de haute civilisation, comme le nôtre, au niveau de vie des populations les moins évoluées. Et c’est ainsi que l’idée de la production sans règles, qui est à la base du libéralisme économique, a fait place à peu prés partout en Europe à l’idée de la production réglée, disciplinée, de la concurrence contrôlée...
Cette ordonnance nouvelle de la production, lance t-il, «  c’est le privilège de la France de pouvoir encore l’établir – si les intéressés le veulent – sans intervention brutale et tracassière de la puissance publique, par des disciplines consenties, en substituant à l’économie de la lutte pour la vie qui convint sans doute en d’autres temps, mais nous conduit aujourd’hui à la ruine, l’économie nouvelle de l’accord pour la vie. »
Le désordre et la ruine, la France génitrice d’une nouvelle forme d’économie et, au final, la vie que Dautry ne conçoit pas sans «  quelque grandeur »… La structuration de sa pensée colle ici bien trop fidèlement à l’ordonnancement et au symbolisme des trois cercles du plan de sa cité modèle pour croire encore à une simple conjonction de hasards.  
Dans le premier cercle : un carré imparfait et des noms de rues qui, tous, renvoient au désordre de la première guerre mondiale.
Dans le deuxième cercle, ovale comme l’œuf et centré sur la place «  de France » : les équipements collectifs qui structurent la vie commune des Cheminots.
Dans le troisième cercle : un carré parfait centré sur la place du 113e R.I., symbole du sacrifice suprême dont jaillit la victoire, et un trait de niveau symbolisant «  l’état d’être à partir duquel on entreprendra d’approfondir tous les aspects de la dimension terrestre. »
Le message véhiculé par le langage des symboles du plan de sa première cité est bel et bien conforme à celui que Dautry martèlera au fil de ses nombreuses conférences. En cela, son plan semble effectivement être une «  planche tracée » qu’il livre à ceux de son époque qu’il veut convaincre du bien fondé de ses projets ; à «  ceux de son époque » suffisamment rompus au langage des symboles pour décrypter son message, cela va de soi or qui, en 1919, est initié au symbolisme traditionnel ?
C’est une des nombreuses questions auxquelles nous nous efforcerons d’apporter des éléments de réponse dans nos billets futurs mais, à ce stade des investigations, les découvertes de Daniel Druart sont suffisamment fondées  pour légitimer la pleine page que leur consacre l’Aisne Nouvelle dans son édition du 24 janvier 2009.

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1 mai 2011 7 01 /05 /mai /2011 17:06

Srasser

 L’histoire des frères Strasser Outre-Rhin nous rappelle à point nommé que le nationalisme économique n’est pas une dégénérescence intellectuelle qui prête le flanc aux pires avatars de l’Histoire mais une option économique parmi d’autres dans laquelle eux, comme d’autres dont Raoul Dautry en France, cherchent le salut d’un système en déclin...

 

 

 

 

 

A la lecture de notre précédent billet, on aura compris que Dautry est partisan d’un asservissement de l’économie aux besoins humains qu’il ne confond pas avec ceux de l’Industrie.

Il s’en explique en mars 1934 devant la société industrielle de Rouen dans une évocation «  des principes qu’avait conçus le Moyen Age pour donner aux hommes les moyens de subsister, tout en fixant ailleurs que dans la production ou la consommation leur idéal de vie. »

« Cette limitation du nombre des maîtres-artisans et de leurs apprentis » explique t-il ; « cette fréquente interdiction d’exporter de province à province, de travailler le soir aux lumières, et tant d’autres mesures rigoureuses qui nous faisaient naguère sourire et que nous ne pouvions réellement pas comprendre, il y a quarante ans, quand deux ou trois nations européennes, dans l’euphorie de leur jeunesse industrielle, avaient pour débouchés les neuf dixièmes des terres habitées, ces mesures, c’est peut-être aujourd’hui seulement que nous pouvons en concevoir la valeur et le sens profondément humain. »

Concrètement, Dautry défend ici la thèse selon laquelle l’économie est un instrument d’organisation sociale nécessaire mais insuffisant pour permettre à l’Homme de s’épanouir ; tout juste un outil dont il réfute par ailleurs les capacités d’autorégulation à l’échelle d’une planète qui, d’une région à l’autre, cultive des conceptions très différentes, voire divergentes, de l’organisation sociale et par là de l’épanouissement de l’Homme.

En cela, il se fait volontiers chantre du nationalisme économique et s’en explique sans fausse pudeur le 7 janvier 1934 devant la société industrielle de Saint-Quentin.

« Le nationalisme économique ! » s’exclame t-il avant de poursuivre. « Après les craintes qu’il fit naître, on voit actuellement se dessiner une opinion de laquelle ne semblent exclues ni la sagesse, ni la réflexion : le nationalisme économique aurait, comme toute formule qui répond en son temps à des besoins authentiques, des vertus pacifiantes. Si l’on veut bien reconnaître que très souvent, les grandes guerres ont eu pour but la possession des matières premières ou la conquête des débouchés, il n’est pas prouvé, en effet, qu’un monde entièrement «  possédé » et «  équipé », en un mot «  fermé », ne puisse procurer à tous les pays, riches et pauvres, par des accords sincères et par la réciprocité commerciale, la satisfaction, l’équilibre et la paix. »

 

La mondialisation, déjà

 

En un mot : Dautry oppose à l’expansionnisme de son époque, stratégie de contrôle des matières premières et des marchés, la souveraineté des nations, la négociation et l’accord.

Aux barons du libéralisme qui agitent le chiffon rouge de la mondialisation de l’économie, il répond par une question qui ramène l’économie à ses fondements : de quoi à t-on besoin ?

« En réalité, assure t-il devant la société industrielle de Saint-Quentin, il faut ramener notre esprit vers deux idées que l’on a un peu perdues de vue : c’est que l’abaissement du prix de revient n’est pas tout, et que le devoir d’une nation n’est pas d’augmenter inconsidérément et fiévreusement sa production et de lutter pour étendre ses débouchés, mais d’assurer les meilleures conditions de vie à ses fils. Tenons-nous-en à cela et écartons avec horreur l’idée de fixer le salaire d’un ouvrier de France à celui dont se contente un Japonais afin d’atteindre le prix de revient des objets japonais. »

Le caractère actuel de l’analyse ne manquera pas de lui assurer un écho particulier auprès du lecteur de 2011, quelque peu troublé néanmoins par le positionnement politique de Dautry dans une époque qui, précisément sur le terreau du nationalisme économique, voit prospérer Outre-Rhin le National Socialisme.

C’est que le National Socialisme fondé en 1919 ( année de lancement des travaux de construction de notre chère Cité) par les frères Strasser notamment, n’est peut-être pas celui dont notre conscience collective conserve si douloureusement le souvenir.

Les deux frères, Grégor et Otto, deviendront d’ailleurs les pires ennemis d’Hitler.

Grégor n’en saura rien mais, lui qui jusqu’au bout se sera accroché à l’espoir d’influer de l’intérieur sur le cours du National Socialisme, sera exécuté durant la Nuit des longs couteaux.

Quant au second, Otto, il entrera ouvertement en résistance le jour où il fondera le Front noir contre Hitler et, dans son combat contre le Nazisme, trouvera refuge y compris en France.

Tout cela pour rappeler que le nationalisme économique qui structure la pensée et l’action de Dautry n’est ni le fruit d’une dégénérescence intellectuelle qui prête le flanc aux pires avatars de l’Histoire, ni une spécificité d’Outre Rhin. Il s’agit bel et bien d’une option économique parmi d’autres dans laquelle une génération au moins place de réels espoirs de salut.

C’est sur le berceau de cette génération que nous nous pencherons dans notre prochain billet pour «  prendre la température » de l’époque.

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15 avril 2011 5 15 /04 /avril /2011 13:34

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Dès l'aube du XXe siècle, la "réclame" prend d'assaut les pages de la presse ( ici le Petit Parisien en 1900), témoignant d'une montée en puissance des rapports producteurs-consommateurs dont Dautry déplorera les effets sur le genre humain.

 

En concentrant à hauteur de la Place de France les équipements voués à la stabilisation et à l’équilibre de la vie de la Cité, Raoul Dautry semble esquisser sur son plan une double ligne de niveau dont les croisements successifs avec la verticale – Place de France mais aussi place du 113e R.I. – ramènent au symbolisme de la double croix, représentation des « états d’être » alliant le spirituel et le psychique ; le divin et l’humain.
De fait, ce double niveau des états d’être à partir desquels on entreprendra, selon les termes d’Irène Mainguy, « d’approfondir tous les aspects de la vie terrestre », structure le message martelé par Dautry en faveur d’une « révolution de l’ordre » dont il se fait l’un des plus zélés avocats.
C’est à la fois à l’ordre du monde et à l’ordre des classes sociales qu’il se réfère le 7 janvier 1934 devant la Société industrielle de Saint-Quentin. « Dans le désarroi général qui menace l’existence de notre civilisation, les hommes doivent s’unir pour sauver leur patrimoine commun et tous doivent être mis à même de faire professionnellement et socialement un scrupuleux examen de conscience. Mais à la différence du Philosophe que Rembrandt nous montre méditant solitairement sous une voûte sombre, c’est en pleine action collective qu’ils doivent se rallier à une foi, se former une doctrine, orienter leurs activités afin d’entrer énergiquement dans les mouvements du monde moderne et de conduire ses formes naissantes à leur plus haute perfection » lance t-il.
Action collective cimentée par la foi, conduite des formes naissantes du monde moderne à leur plus haute perfection…Voilà bien les deux ingrédients que Dautry veut verser à son «  nouvel ordre» ; deux ingrédients indissociables dont le premier apparaît à travers ses interventions comme le ferment du second.
L’action collective, le ralliement à une foi et la formation d’une doctrine apparaissent bien moins dans les mots de Dautry comme une fin en soi que comme une étape intermédiaire dans la quête d’un idéal plus élevé.
Le « portrait de la France » qu’il dresse en préambule de Métier d’homme est, sur cette hiérarchisation des objectifs, sans ambiguïté : « Du travail discipliné et fécond pour tous ; puis, dans l’exercice du travail, de la dignité et du bien-être ; et enfin, dans l’emploi des longs loisirs qui sont l’inévitable et l’heureuse conséquence du machinisme, une vie physique plus saine et noble, une vie spirituelle enrichie, voilà ce que demande la jeunesse française. »
On notera au passage que le propos n’est pas de Dautry même mais de Blandine Ollivier ouvrant en 1935 une édition de la revue Le document consacrée à La France au travail. On imagine mal néanmoins, que Raoul Dautry ait pu le lui emprunter s’il ne l’avait pas préalablement fait sien.
C’est dans cette suite logique d’objectifs imbriqués comme des poupées gigognes que Raoul Dautry ancre ses projets selon deux niveaux d’introspection, d’abord sur le plan social et ensuite sur le plan spirituel.
La  première étape lui semble être nécessaire à défaut d’être suffisante.
Il s’en explique en mars 1934 dans une intervention auprès de la société industrielle de Rouen dont il restituera la teneur dans Métier d’homme sous l’intitulé Production industrielle et collaboration sociale. « Trente millions de chômeurs dans le monde nous offrent aujourd’hui le spectacle paradoxal de la misère dans l’abondance et soulignent la cruauté qui résulte du désordre de nos systèmes économiques » lance t-il en guise de préambule. « Ces hommes sont cependant faits de chair et d’âme. Allons-nous laisser la misère les ruiner physiquement et les dégrader moralement ? N’est-ce pas une tâche qui s’impose d’urgence, dans tous les pays et à tous, de faire ce qu’il faut pour assurer à tous les êtres humains les conditions nécessaires à une vie matérielle et à une vie spirituelle plus dignes. Donner à l’ouvrier la possibilité de vivre, en même temps que des raisons de vivre. » 


L’Homme au centre

Dautry, défenseur zélé de la classe ouvrière ? Dans le contexte des années 1930, l’hypothèse lui donnerait assurément des allures de Robin des bois mais elle butte sur un obstacle rédhibitoire : dans sa profonde aversion des antagonismes, Dautry réfute la légitimité même du concept de classe.
Bien plus que la classe ouvrière, c’est le genre humain qu’il veut extirper de l’ornière dans laquelle selon lui, il s’enlise et s’enfonce.
C’est cet objectif aussi ambitieux que périlleux au regard du profil de son auditoire qu’il revendique au sein de l’élite patronale de la société industrielle de Saint-Quentin le 7 janvier 1934 en des termes qui résonnent étrangement dans l’actualité de 2011 : « … peut être suffit-il de combler le fossé qui s’est creusé entre les hommes et même au plus profond de chaque homme, du fait que les intérêts matériels l’ont emporté sur la vie spirituelle, les droits apparents et les désirs immédiats sur les devoirs éternels. Peut-être le chaos dans lequel nous nous débattons ne tient-il qu’à la grossière erreur que nous avons commise en ne voyant que des «  producteurs » et des « consommateurs » au lieu de considérer des « hommes » (c’est-à-dire des corps mais aussi des âmes) engagés totalement et à tout instant dans chacune des manifestations de l’être… »
Au travers des «  manifestations de l’être », on ne peut manquer de remarquer l’adéquation de son répertoire sémantique à celui du symbolisme de la croix.

Le scepticisme nous invitera à la mettre au compte du hasard  mais le pragmatisme nous rappelle à l’incroyable accumulation de hasards relevés sur les traces de Dautry depuis les premières étapes de notre voyage ; trop «incroyable » pour ne pas envisager le plus sérieusement du monde l’hypothèse selon laquelle le chemin de croix du « père » de la Cité serait effectivement celui de la double croix.
Quoi qu’il en soit, on résumera sans peine son propos à une phrase : ce n’est pas l’économie qui va mal mais l’Homme; parce qu’il n’a pas pris la mesure de l’évolution de l’économie sur ce qui fait de lui un homme.
Dès lors, la spiritualité dont il prône le retour en grâce prend, au sens le plus noble du terme, une dimension politique que nous examinerons à notre prochaine étape dans le contexte d’une époque qui, à bien des égards, présente des similitudes avec la nôtre.

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L'histoire d'une Histoire

 

Vue aerienne

 

 

Ville-champignon érigée autour des rails, Tergnier est une ville que l'on croyait sans autre histoire que celle du chemin de fer et de ses destructions successives par les guerres jusqu'à ce que la curiosité de l'un de ses habitants, ancien épicier, mette à jour des richesses jusqu'alors insoupçonnées venues du fond des âges.  

Sautez dans «  le train en marche » et partager cette formidable aventure humaine aux confins du compagnonnage et de la franc-maçonnerie, dans des registres où se côtoient les applications les plus modernes de la sociologie et les plus anciens rites de fondation des villes, la psychologie et l'économie, l'Histoire officielle et l'actualité d'un passé qui interroge le présent....