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28 décembre 2010 2 28 /12 /décembre /2010 11:07

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Chose promise, chose due: attardons-nous quelques instants sur l'école Veltin.

Les "gosses" de la Cité s'en souviennent comme si c'était hier: aun classement de fin d'année était intégré leur vote en faveur du meilleur camarade. Le plus persévérant, le plus solidaire, le plus humble... Celui qui, en plus d'être écolier, était digne en somme de partager leur quotidien.

Si l’école Veltin tient une place particulière dans le paysage de la Cité, c’est peut-être parce que son clocher semble avoir été dressé entre ciel et terre pour être le dernier témoin de cette Cité modèle voulue par Raoul Dautry.

Surplombée d’une petite pyramide de tuiles, l’horloge indique aujourd’hui encore l’heure où la folie des hommes eut raison du rêve humaniste concrétisé par l’ingénieur du chemin de fer : quelques minutes avant minuit, le 10 avril 1944.

« C’était le lundi de Pâques. L’aviation alliée projetait de bombarder les installations ferroviaires pour paralyser l’approvisionnement en hommes et en matériels de l’Armée allemande mais il est probable que l’occupant ait eu vent de cette opération car il a pris la précaution de déplacer son artillerie antiaérienne » explique Daniel Druart.

Cueillis à l’Ouest de leur cible, les avions alliés larguèrent leur chargement trop tôt. « 700 avions ! 49 minutes de bombardement ! 6000 bombes ! » s’exclame Daniel qui se souvient encore de sa grand-mère le tirant par le bras à travers champs pour se réfugier dans la forêt de Frières.

Lorsqu’il retrouvera sa cité, c’est un paysage de désolation qui s’offrira à lui. Des familles entières dont les rues portent désormais le nom ont péri.

Dans le secteur scolaire de la Cité, seul subsiste le clocher de l’école Veltin autour duquel seront reconstruites presque à l’identique des salles de classe ; alors que le clocher originel émergeait du bâtiment, les locaux reconstruits ont en effet été désolidarisés comme pour prendre de la distance.

Ouvert en 1926, le chantier de cette école reste entouré de zones d’ombres.

Etait-elle intégrée aux plans initiaux de Raoul Dautry ? Rien n’est moins sûr car les premiers plans de la Cité font état, à quelques dizaines de mètres au sud du site de l’école Veltin, d’un ensemble en demi-cercle de bâtiments scolaires dont nul témoin de cette époque ne se souvient.

« Je pense qu’il n’a jamais été construit ; peut-être l’école Veltin s’y est-elle substituée » confie Daniel Druart.

Au travers de Mlle Veltin, c’est le visage des Demoiselles américaines de Blérancourt qui apparaît dans la Cité de Dautry.

On songe en particulier à Anne Morgan qui en fut une des marraines et qui, comme Madame Heugel, s’était distinguée durant la guerre dans les soins aux blessés.

 

 Des œuvres en réseau

 

38Mademoiselle Veltin dirigeait pour sa part à New York un collège de jeunes filles. La plaque inaugurale dévoilée durant l’été 1929 insiste d’ailleurs sur ce point : «  cette école a été édifiée en 1926 grâce à la générosité de Mademoiselle Veltin et de ses élèves américaines. »

Nous sommes là dans la logique des Œuvres américaines qui déferlent alors sur une Europe à reconstruire. Des œuvres dont l’Histoire nous apprendra qu’elles sont très souvent le pendant de la Franc Maçonnerie du Nouveau Monde et qu’elles fonctionnent à ce titre en réseaux. Anne Morgan n’est-elle pas d’ailleurs la fille de Sir John Pierpont Morgan, le richissime banquier qui prit en 1901 le contrôle de la Carnegie Steel Compagnie, l’une des plus grandes et rentables sociétés industrielles du monde fondée trente ans plus tôt par Andrew Carnegie, le philantrope reconstructeur de Fargniers, la commune voisine de Tergnier ?

Pour Daniel Druart, l’architecture même du clocher de l’école Veltin porte en elle la signature de «  la fraternité des constructeurs : bien penser, bien dire, bien faire… »

C’est évidemment à la forme triangulaire de ce clocher surmonté d’une pyramide qu’il se réfère ; un triangle dont Jean-Pierre Bayard dans Le compagnonnage en France, nous dit qu’il symbolise la trinité, « juste équilibre entre les forces opposées : la force qui entreprend, la Beauté qui orne, la Sagesse qui harmonise. »

L’équilibre des forces ? C’est précisément ce que cherche Raoul Dautry dans l’intervention des Œuvres philantropiques entre l’impulsion donnée par la Compagnie du Nord et l’implication des familles cheminotes.

Il s’en explique dans Métier d’homme à propos de l’expérience des Cités-jardins du Nord : « On s’est seulement efforcé de déposer le ferment généreux des œuvres de mutualité, d’hygiène, de culture physique, artistique et musicale…dans ces immenses réservoirs d’énergie, d’initiative, de bonne volonté, de bon sens et de dévouement que sont les cités avec leurs agents de tous grades et de toutes fonctions. Ensuite, soit par de petites subventions, soit surtout en servant de lien entre les cités et les sociétés, où les généreux dévouements individuels se donnent pour but l’hygiène de l’enfance, l’enseignement, les arts, les sports, le jardinage, l’assistance aux malades, on a fourni à la fermentation la température la plus favorable. »

En nous penchant dans notre prochain billet sur les équipements sanitaires de la Cité, nous verrons combien cette deuxième étape de transposition du diagramme social du C.C.A. au prototype urbain de Raoul Dautry s’ouvre aussi sur le second niveau de besoins recensés par Abraham Maslow : celui de la sécurité.

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L'histoire d'une Histoire

 

Vue aerienne

 

 

Ville-champignon érigée autour des rails, Tergnier est une ville que l'on croyait sans autre histoire que celle du chemin de fer et de ses destructions successives par les guerres jusqu'à ce que la curiosité de l'un de ses habitants, ancien épicier, mette à jour des richesses jusqu'alors insoupçonnées venues du fond des âges.  

Sautez dans «  le train en marche » et partager cette formidable aventure humaine aux confins du compagnonnage et de la franc-maçonnerie, dans des registres où se côtoient les applications les plus modernes de la sociologie et les plus anciens rites de fondation des villes, la psychologie et l'économie, l'Histoire officielle et l'actualité d'un passé qui interroge le présent....