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10 septembre 2012 1 10 /09 /septembre /2012 13:15

Constitution

La démocratie n'est-elle que la façade honorable de la Franc-Maçonnerie? C'est autour de cette question que se noueront au crépuscule de la IIIe République les destins respectifs de la Franc-Maçonnerie et du Compagnonnage...

 

 

Poser l’hypothèse selon laquelle les maçons opératifs et spéculatifs auraient pu se retrouver dans la reconstruction de Tergnier par-delà la ligne de fracture qui les sépare depuis la Renaissance revient à éclairer les mystères de la Cité sous l’angle d’une filiation commune sujette à polémiques.

Le propos même du représentant de la Grande Loge de France M. Pavaillon sur la dépouille de Gustave Grégoire témoignent de la teneur de cette polémique.

En clamant haut et fort que «  réfléchir est un travail », il réfute l’argument selon lequel les Francs-Maçons modernes – les spéculatifs – seraient autre chose que des travailleurs tels que les conçoivent les opératifs qui sont l’essence du Compagnonnage.

Le rapprochement ainsi opéré en 1922 lors des funérailles de l’ancien maire de Tergnier est loin de n’être qu’anecdotique au regard des susceptibilités qu’il continue de déchaîner au fil du temps.

Jean-Pierre Bayard dont les travaux nous ont si souvent guidés au fil de notre voyage, en fit lui-même les frais en 1978 lors d’une violente polémique qui l’opposa à Roger Lecotté, ancien conservateur, après la seconde guerre mondiale, des fonds maçonniques et compagnonniques au cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale.

« Roger Lecotté a toujours refusé d’admettre une parenté entre Compagnonnage et Franc-Maçonnerie » écrit-il dans L’esprit du compagnonnage.

En cela, Jean-Pierre Bayard se heurte également à l’inflexible position de Jean Bernard, «  l’unificateur » des mouvements de compagnonnage qui dans, Le compagnonnage précisément, prend délibérément à contre-pied en 1982 la fresque historique dressée en 1975 par Christian Jacq dans La Franc-Maçonnerie.

Oui, confesse t-il, il y a bien eu en Angleterre des « institutions » de métier qui se sont ouvertes à des étrangers au métier, lesquels ont fini par prendre le contrôle.

Oui, admet-il encore, ces étrangers au métier sont à l’origine des constitutions d’Anderson que «  les historiens » considèrent comme l’acte fondateur de la Franc-Maçonnerie ; mais le compagnonnage n’a rien de commun, précise t-il, avec les institutions anglaises de métier dont il évoque l’infortune. Des institutions «  décadentes » estime t-il de surcroît au motif qu’il fallait bien qu’elles le fussent pour accepter d’être utilisées par ceux auxquelles elles ouvrirent leurs portes.

 

Le virage collaborationniste

 

communaute nationaleJean Bernard fait peu de cas du travail d’historien de Christian Jacq. Il s’en explique sans ménagement ni fausse pudeur: il «  refuse » un quelconque rapport entre «  ces maisons anglaises » et le Compagnonnage, tout comme il «  refuse » une quelconque filiation du compagnonnage avec les loges de Strasbourg ou encore de Cologne. Et si le Compagnonnage reste actif aujourd’hui, c’est parce qu’il a su tenir ses distances avec la Franc-Maçonnerie argumente t-il.

Cet argument précisément, nous renvoie directement à un épisode crucial de l’histoire du Compagnonnage dans lequel il tint le tout premier rôle. C’est lui en effet, Jean-Bernard, qui enjoignit le Maréchal Pétain de ne pas mettre dans le même sac Franc-Maçonnerie et Compagnonnage lorsque le gouvernement de collaboration relaya en 1940 la chasse aux «  sociétés secrètes » ouverte par l’Allemagne nazie. Persuasif, il fallait qu’il le fût pour que le Maréchal opère la distinction sollicitée et, de surcroît, finisse par se déclarer protecteur du Compagnonnage qu’il s’efforça dès lors d’intégrer à sa Révolution nationale.

Pour autant, toutes les hostilités envers le courant spéculatif ne traduisent pas une formelle négation de son hypothétique filiation commune au courant opératif avec la même véhémence que celle affichée par Jean-Bernard.

Dans un ouvrage intitulé La tradition cachée des cathédrales, Jean-Pierre Bayard cite à ce sujet Wladimir Nogrodzki, auteur d’un ouvrage réputé consacré au Secret de la lettre G.

Des maçons «  acceptés » qui «  envahirent » les loges opératives, le spécialiste retient les traits «  d’intellectuels parfois savants et surtout lettrés mais pour la plupart incapables de voir et de toucher le sens essentiel des symboles géométriques, ceux-ci en perdant peu à peu leur sang, se transformèrent en carapaces vides et sèches de la routine maçonnique extérieure » sur lesquelles on se mit «  à philosopher à perte de vue » si tant est que l’on ne soit pas «  entièrement embourbé dans la basse politicaillerie de partis. »

La formulation n’est pas des plus limpides mais le jugement est aussi sévère que sans appel. Wladimir Nogrodzki condamne la vacuité des tenus de la Franc-Maçonnerie moderne.

Ce n’est pas la vacuité de leurs réflexions et de leur travail, pourtant, qui est reprochée aux Francs-Maçons lorsque le gouvernement de Vichy déclare la dissolution des loges de France le 13 août 1940.

«  Il serait totalement inadmissible que l’œuvre entreprise en vue du redressement national put être combattue par des organisations d’autant plus dangereuses qu’elles restent cachées, qu’elles recrutent un grand nombre de leurs membres parmi les fonctionnaires et que leur activité tend trop souvent à fausser les rouages de l’Etat et à paralyser l’action du Gouvernement » rapporte des propos du Maréchal le journal officiel du 14 août 1940.

Le message est clair : les rouages de la République sont gangrenés par la Franc-Maçonnerie. Une affirmation largement développée en 1943 par J. Marquès-Rivière dans un ouvrage diffusé par les éditions Jean-Renard sous le titre Règlements et constitution de la Franc-Maçonnerie.

Selon lui, l’organisation et la gestion de la République ne sont qu’une transposition de l’organisation maçonnique destinée à assurer à la Franc-Maçonnerie le plein contrôle de la vie politique, de l’économie et des peuples.

L’argumentation n’est pas tout à fait nouvelle. Depuis le début du siècle foisonnent des revues qui se font fort de fustiger au grand jour et en des termes qui n’ont rien de politiquement correct le complot maçonnique, et même judéo-maçonnique tant il est vrai que l’affaire Dreyfus a laissé de profondes cicatrices dans la société française.

Bref, rien n’a changé, au fond, depuis la suppression des confréries en 64 avant Jésus-Christ par la République romaine qui voyaient en elle un danger pour la sécurité. Rien n’a changé depuis l’interdiction à Rome des cultes païens qui marque à la fin du IVe siècle la fin du Mithraïsme. Rien n’a changé depuis la fermeture de l’école des Mystère d’Eleusis, près d’Athènes, au Ve siècle. Rien n’a changé enfin depuis les assauts répétés de l’Eglise catholique qui, au XIVe siècle, ne supporte plus ces confréries hermétiques à son pouvoir temporel.

C’est à ce stade de notre voyage dans le temps que nous aborderons dans notre prochaine et probablement dernière étape l’hypothèse selon laquelle Raoul Dautry serait parvenu à concilier au travers de sa Cité modèle des intérêts inconciliables depuis 2000 ans.

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commentaires

E
voir mon blog(fermaton.over-blog.com)
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C
Pétain a bien été un défenseur du compagnonnage a tel point qu'il permis a jean Bernard de fonder l'association ouvrière des compagnons de Devoir ( au 9 rue nérard a Lyon) en l'aidant<br /> financièrement a partir de sa caissette personnelle
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M
<br /> <br /> Merci pour cette précision. Prenons garde néanmoins de ne pas opérer de trop brutaux raccourcis entre Compagnonnage et Collaboration. Les deux semblent en l'occurrence partager des racines<br /> traditionnalistes communes mais leurs finalités paraissent bien éloignées. Il fallait qu'elles le paraissent également aux yeux de Raoul Dautry pour qu'il prenne ses distances comme il les a<br /> prises avec les courants " ultras".<br /> <br /> <br /> Je pense que cette étape particulière du parcours de Raoul Dautry, révélatrice de l'état d'esprit qui agite la France à la veille de la seconde guerre mondiale, méritera en son temps un éclairage<br /> de notre part.<br /> <br /> <br /> Merci encore de votre intérêt pour le sujet.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />

L'histoire d'une Histoire

 

Vue aerienne

 

 

Ville-champignon érigée autour des rails, Tergnier est une ville que l'on croyait sans autre histoire que celle du chemin de fer et de ses destructions successives par les guerres jusqu'à ce que la curiosité de l'un de ses habitants, ancien épicier, mette à jour des richesses jusqu'alors insoupçonnées venues du fond des âges.  

Sautez dans «  le train en marche » et partager cette formidable aventure humaine aux confins du compagnonnage et de la franc-maçonnerie, dans des registres où se côtoient les applications les plus modernes de la sociologie et les plus anciens rites de fondation des villes, la psychologie et l'économie, l'Histoire officielle et l'actualité d'un passé qui interroge le présent....