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8 septembre 2010 3 08 /09 /septembre /2010 17:30

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Octobre 1910: la grève des cheminots devient une affaire d'Etat qui du coup, en appelle à la troupe. Au passage, on notera que la sémantique de l'époque se rapporte à un "sabotage de machines" alors que - la photo en atteste-, seul le tender est renversé. (Photo collection Jean-Claude Allain)

 

Si le conflit d’octobre 1910 est, selon les termes de Rémi Baudouï, un " choc traumatique " qui ébranle en profondeur les certitudes de la direction du réseau, c’est qu’il révèle à l’intention l'ensemble de la classe industrielle dirigeante une réalité autrement plus menaçante à long terme que la seule asphyxie ponctuelle de l’économie par le gel des transports : le syndicalisme forme désormais une vague assez puissante pour lui contester le pouvoir d’imposer son modèle de société.

La peur du syndicalisme se nourrit  chez  les "barons de l’industrie" de souvenirs prégnants.

N’est-ce pas la crise de 1866-1867 qui, en mettant l’accent sur les effets secondaires de l’internationalisation des capitaux, leur fait mettre au compte de l’internationale socialiste l’initiative des mouvements de grève qui se multiplient jusque 1868 ?

Et cette Internationale socialiste, ne prône t-elle pas la conquête du pouvoir par les travailleurs afin de combattre dans l’œuf la dégradation des conditions d’existence de la classe ouvrière depuis les révolutions européennes de 1848, conformément au texte fondateur de Karl Marx de 1864 ?

N’est pas d’autre part à Paris même que naquit en 1889 la 2e internationale socialiste sur les cendres d’une première expérience que l’on croyait définitivement enterrée par le duel fratricide de Marx et Bakounine douze ans plus tôt ?

N’est-ce pas depuis leur congrès de Paris de 1900 enfin que les tenants d’une lutte ouverte des classes s’opposent au sein de cette 2e internationale aux partisans d’un "  noyautage " du libéralisme sous la pression des masses, dans un combat dont l’Industrie telle qu’elle existe alors est dans tous les cas de figure la grande perdante ?

Une chose est sûre : à la veille de la première guerre mondiale soit vingt ans seulement après sa renaissance, l’internationale socialiste revendique plus de 3,3 millions d’adhérents, plus de 7 millions de coopérateurs liés à ses différentes composantes politiques et plus de 10 millions de travailleurs syndiqués.

On est loin des 25 à 28000 ouvriers maximum rassemblés pour l’essentiel en Grande Bretagne sous l’aile encore frêle de la 1ere Internationale lors de son premier congrès à Genève en 1866.

Arraché à sa culture rurale par l’attraction des centres industriels, l’ouvrier n’est plus un individus isolés qui se débat dans sa misère.

 

Une alternative à l'isolement

 

Au delà de la révolte des ouvriers du rail apparaissent dans ces conditions en filigrane les prémices d’une véritable révolution culturelle dont nul ne sait encore où elle mènera. Aux grands troubles, les grands moyens : Briand fait occuper les gares par l’Armée de même qu’il a déployé au moi de mai précédent plus de 20000 soldats dans la capitale pour s’opposer au meeting de la CGT dans le Bois de Boulogne.

C’est que l’ordre économique et social institué par les barons de l’Industrie tient à l’isolement des individus dans leurs sphères privées respectives soumises au contrôle de la " République des notables " par l’intermédiaire de sa " police des familles ".

Mais l’homme n’est pas spontanément versé vers l’isolement. Il est un mammifère dont la hiérarchie sociale naturelle s’apparente probablement plus au modèle de la meute articulé autour de la distribution des fonctions, qu’au modèle familial mononucléaire régi par les rapports de filiation.

Coupés de leurs racines rurales traditionnelles, isolés dans la fange urbaine qui les dissout dans la masse plus qu’elle ne les accueille, les individus tendent naturellement à se rapprocher mutuellement pour former de nouveaux groupes, de nouvelles meutes, pour se forger de nouveaux repères identitaires. C’est sur ce terreau que croît le syndicalisme.

Selon l’historien Christian Chevandier cité par Laurent Thevenet, conseiller technique au service régional d’action sociale des régions de Paris dans Aux origines de l’action sociale (Editions ERES 2001), "  La syndicalisation n’est pas inscrite dans une seule stratégie qui ne serait que revendicative. Une stratégie personnelle est à prendre en compte. "

Or Tergnier, comme nous le verrons dans notre prochain billet, a toutes les bonnes raisons à l’aube du XXe siècle de faire siennes ces préoccupations liées aux capacités d’une ville à offrir devant un brusque afflux d’habitants un cadre de vie adapté.

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 La gare de Tergnier occupée par l'Armée dont on aperçoit au second plan les chevaux. (Photo collection Jean-Claude Allain).

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L'histoire d'une Histoire

 

Vue aerienne

 

 

Ville-champignon érigée autour des rails, Tergnier est une ville que l'on croyait sans autre histoire que celle du chemin de fer et de ses destructions successives par les guerres jusqu'à ce que la curiosité de l'un de ses habitants, ancien épicier, mette à jour des richesses jusqu'alors insoupçonnées venues du fond des âges.  

Sautez dans «  le train en marche » et partager cette formidable aventure humaine aux confins du compagnonnage et de la franc-maçonnerie, dans des registres où se côtoient les applications les plus modernes de la sociologie et les plus anciens rites de fondation des villes, la psychologie et l'économie, l'Histoire officielle et l'actualité d'un passé qui interroge le présent....